samedi 12 juin 2010

Les personnes nées d'un don de sperme veulent connaître leur géniteur


Que pensent de leur conception les adultes nés d'un don de sperme ? Voudraient-ils voir lever le secret qui pèse sur leur origine ? Comment se distinguent-ils du reste de la population ?

Pour la toute première fois, une étude américaine intitulée My Daddy's Name is Donor ("Le nom de mon père est donneur") permet de confronter l'expérience et l'opinion d'adultes ayant été conçus par don de sperme à celles de personnes adoptées ainsi qu'à celles d'autres ayant grandi avec leurs parents biologiques (1).

Réalisée par le cabinet Abt SRBI de New York, l'étude a été conduite par Elizabeth Marquardt de l'Institute for American Values, un think tank "non partisan", avec le sociologue Norval Glenn de l'université d'Austin (Texas) pour le compte de la Commission sur l'avenir de la condition parentale, un groupe d'universitaires et d'experts qui réfléchit à "la situation juridique, éthique, sociale et scientifique des parents dans la société contemporaine", et qui formule à la fin du rapport des recommandations.

Il naîtrait aux Etats-Unis entre 30 000 et 60 000 enfants chaque année de don de sperme. La fourchette reste peu précise car aucun relevé statistique fiable n'est réalisé, une absence de transparence prévalant dans ce domaine.

La première naissance par don de sperme répertoriée à Philadelphie en 1884. Au XXe siècle, un "marché de la fertilité" s'est développé. Réputé en croissance, il est actuellement évalué à 3,3 milliards de dollars par an. La plus grande banque de sperme au monde, l'entreprise danoise Cryos, exporte les deux-tiers du sperme qu'elle récolte.

Dans un très grand nombre de pays, les personnes nées d'un don du sperme n'ont pas accès à l'identité de leur "père biologique". Ces dernières années cependant, plusieurs Etats et non des moindres, comme le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Suisse, certains Etats en Australie et en Nouvelle-Zélande, ont banni l'anonymat sur le don de sperme. Une loi a été discutée en ce sens récemment en Croatie.

UN FORT SENTIMENT D'INCOMPRÉHENSION

Constat de départ : les enfants nés de dons de sperme ne se distinguent guère des autres enfants. Le fait de choisir son donneur selon des critères physiques et sociaux - comme il est possible de le faire par exemple à Cryos - n'amène pas les parents à sélectionner les hommes à peau blanche et à cheveux blonds...

L'étude montre à quel point ces adultes représentent un échantillon représentatif de la société : 20% des personnes interviewées se revendiquent comme "hispaniques", comparé à 6% parmi les familles adoptantes et 7% de ceux élevés par leurs parents biologiques.

Leur diversité religieuse est tout aussi large, l'échantillon comprenant un éventail de catholiques, protestants et juifs "illustrant la réalité de leur présence dans chaque facette de la société américaine d'aujourd'hui", soulignent les auteurs.

Le portrait-robot qui découle de l'enquête dessine des hommes (52 % de l'échantillon) et des femmes (48 %) plutôt mal dans leur peau, donnant le sentiment d'avoir subi un préjudice et gênés par les "circonstances" qui ont présidé à leur conception. Près de la moitié reconnaît y penser "plusieurs fois par semaine voire plus".

Le fait que l'argent ait interféré dans leur naissance apparaît comme une source de préoccupation importante, 42% d'entre eux jugeant le fait de vendre du sperme ou des ovules à des personnes qui veulent avoir des enfants comme "une mauvaise chose", contre 24% des adultes ayant été adoptés et 21% des personnes issus de parents biologiques.

Un sentiment de malaise semble très fort chez une partie significative d'entre eux : 25 % acquiescent à l'idée, suggérée par les enquêteurs, que "personne ne les comprend vraiment". Un sentiment éprouvé par 13 % des adoptés et 9 % des enfants biologiques.

Les relations, amoureuses en particulier, de ces personnes sont affectées par cet inconnu qui pèse sur leurs origines. Près de la moitié (46 %) sont ainsi d'accord avec l'item suivant : "quand je suis attiré(e) par quelqu'un, je suis inquiet(e) du fait que je pourrais lui être apparenté(e)". De la même manière, 43 % des adultes nés de don de sperme "redoutent d'avoir une relation sexuelle avec quelqu'un avec qui [ils pourraient être] apparentés sans le savoir". Une crainte qui n'est guère partagée par les adultes adoptés (16 %) et encore moins ceux ayant grandi avec leurs parents biologiques.

67% DES SONDÉS SOUHAITENT LA LEVÉE DU SECRET SUR LES ORIGINES

Les adultes conçus par don de sperme font état de "problèmes avec la loi" et de consommation abusive de stupéfiants, deux fois plus souvent que les adultes ayant été élevés par leurs parents biologiques. Sur ce point, ils font cependant jeu égal avec les adultes ayant été adoptés.

Alors que le secret pèse sur leur origine, 38,5 % disent ne pas être d'accord avec l'idée qu'on puisse "délibérément concevoir un enfant sans père". Certains de ces adultes (36 %) vont jusqu'à émettre une objection de fond sur le principe même du don de sperme, même si une très large majorité y sont plutôt favorables, approuvant même la technique du clonage "pour tous ceux qui ne peuvent pas avoir d'enfants autrement".

Ils sont 67 % à demander la levée du secret sur les origines, actuellement en cours aux Etats-Unis. Parmi les dix-neuf recommandations formulées, à l'issue du rapport, par la Commission sur l'avenir de la condition parentale, figure justement, en tête, celle de mettre fin à l'anonymat du don, ainsi que la fixation d'une limite du nombre d'enfants nés d'un donneur.

(1) Le panel des 1687 personnes interviewées se répartit ainsi en 485 adultes pensant "avoir été conçus" par don de sperme dont 485 avec certitude, 563 adultes ayant grandi avec leurs parents biologiques et 562 adultes issus d'une adoption. L'étude a été réalisée par Internet entre les 10 et 28 juillet 2008.

Brigitte Perucca

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