mardi 22 juin 2010

Le Viagra féminin ne sera pas commercialisé aux Etats-Unis


C'est non ! Le Flibanserin, un médicament parfois surnommé le "Viagra féminin", ne sera pas commercialisé aux Etats-Unis. Du moins pas pour le moment. L'Autorité de régulation américaine a suivi l'avis de deux commissions médicales qui lui déconseillaient vivement la mise sur le marché de ce produit pharmaceutique proposé par le laboratoire allemand Boeringer Ingelheim. Les deux études concluaient que le Flibanserin "ne satisfait pas les critères de succès établissant l'efficacité [de ce produit] pour traiter l'hypoactivité sexuelle féminine".

Elles notaient en revanche que dans certains cas, la prise de ce médicament issu d'un antidépresseur entraînait des étourdissements et mêmes des propensions à la dépression chez certaines femmes – sans pour autant stimuler leur désir.

Si la "pilule rose" (par opposition à la pilule bleue du Viagra) attendra encore, ce n'est pas faute d'efforts entrepris par le laboratoire pour tenter d'obtenir son agrément sur le territoire américain. L'enjeu financier, d'importance, est estimé à 2 milliards de dollars annuels.

Pour l'emporter, Boeringer a usé des méthodes habituelles des laboratoires : témoignages de médecins et de célébrités d'un côté, communication intensive en direction de l'opinion de l'autre. Ainsi, Lisa Rinna, une avenante vedette de feuilletons télévisés et ancienne playmate de la revue Playboy, s'est-elle retrouvée à plaider la cause du fabricant.

LE DÉSIR FÉMININ MOINS "MÉCANIQUE"

Le principal enjeu de ce dernier consistait à démontrer que l'absence ou la baisse de désir sexuel chez les femmes, plus particulièrement au moment et après l'âge de la ménopause, constitue sinon une maladie du moins une déficience pathologique, intitulé "hypoactivité sexuelle féminine". Cette caractérisation n'avait pas été choisie au hasard : elle figure aux Etats-Unis dans le Manuel statistique des désordres mentaux, un ouvrage de référence pour les psychiatres et… les assurances médicales.

Les adversaires du Flibanserin ne se sont pas seulement attachés à dénoncer l'absence de preuve de son efficacité ou ses effets induits. Ils ont contesté la validité même de son objet. Le désir féminin, ont-ils plaidé, est notoirement différent du désir masculin ; sa manifestation est moins "mécanique" et bien plus difficile à identifier.

Par ailleurs, elle n'est pas quantifiable : en dessous de quelle fréquence peut-on parler d'"hypoactivité" ? Enfin, des organisations féministes ont argué qu'en diffusant un tel médicament, le laboratoire pouvait œuvrer à "culpabiliser" des femmes peu portées sur le sexe en leur faisant croire qu'elles étaient sujettes à une pathologie, menaçant ainsi de les pousser indument vers la dépression.

On est devant "un cas typique de fabrication d'une maladie", a jugé la professeure Adriane Fugh-Berman, de l'université Georgetown à Washington, dans une interview au New York Times.

L'objectif : faire pression tant sur le corps médical que sur les patientes "en misant sur leur insécurité". Directeur des affaires médicales de Boeringer aux Etats-Unis, le docteur Peter Piliero a maintenu son point de vue : l'hypoactivité sexuelle féminine "est une maladie".

Sylvain Cypel

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