lundi 21 juin 2010

La rougeole gagne à nouveau du terrain en Afrique

Après vingt ans de nette régression, la rougeole connaît une recrudescence inquiétante sur le continent africain. L'efficacité de la prévention est mise en cause, et ce alors que les campagnes de vaccination ont fait reculer le nombre de décès dus à cette infection respiratoire de 2,5 millions en 1980 à 164 000 en 2008 dans le monde.

Pour Florence Fermon, "référente rougeole" à Médecins sans frontières (MSF), l'objectif d'éradication de cette maladie d'ici 2015, fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est devenu depuis deux ans "un slogan un peu mal placé". Selon des données partielles, plus de 64 000 cas et 1 188 décès ont été recensés entre fin 2009 et début 2010 dans une trentaine de pays africains. Le plus surprenant étant, pour MSF, que ces épidémies apparaissent non seulement dans des zones de conflit, comme en République démocratique du Congo, mais aussi dans des pays stables comme le Malawi, le Burkina Faso ou l'Afrique du Sud, où sont menés d'importants programmes de prévention depuis des années.

Rigidité

Les succès, fragiles, de vingt ans de vaccination contre la rougeole auraient donc engendré un effet secondaire non désiré : la maladie, qui ne représente plus une cause de mortalité majeure, ne figure plus parmi les priorités des ministères de la santé et des bailleurs de fonds.

Relativement bénigne dans les pays riches, et donc sous-estimée par eux, cette maladie infantile est très contagieuse. Elle peut entraîner de graves complications (pneumonie, cécité, encéphalite...) et provoquer la mort de 5 à 20 % des malades dans les zones de faible accès aux soins. Il n'existe pas de traitement contre ce virus, dont on peut cependant facilement se protéger par un vaccin peu coûteux.

Face à la recrudescence de la rougeole, le directeur des opérations de MSF, Thierry Durand, appelle à mieux coordonner les réponses des différents acteurs (OMS, Unicef, ministères) et entend surtout "alerter sur les défaillances du système". Le Programme élargi de vaccination lancé par l'OMS en 1974 pèche, selon lui, par sa standardisation excessive et sa rigidité. Ainsi, la vaccination de routine contre la rougeole ne s'effectue qu'à un âge compris entre neuf et onze mois. Par conséquent, "de nombreux enfants de plus d'un an ne sont pas vaccinés, et on ne peut leur administrer le vaccin alors qu'ils courent de grands risques", déplore Florence Fermon.

Par ailleurs, en cas d'épidémie, "les discussions techniques, sur le terrain, concernant la stratégie, la tranche d'âge et les zones" de vaccination retardent considérablement les opérations. Comme au Zimbabwe, où MSF a attendu huit mois que le ministère de la santé l'autorise à vacciner. Enfin, les soutiens financiers manquent de plus en plus pour répondre aux épidémies, d'autant que les bailleurs de fonds s'étonnent parfois de devoir payer une seconde fois, après avoir soutenu des campagnes de prévention qui se sont révélées insuffisantes. Conséquence directe : dans certains pays, la couverture vaccinale est en baisse.

Angela Bolis

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