Des députés européens demandent une renégociation de l'accord Swift sur les transactions bancaires, en vertu duquel le Trésor américain obtient une copie de toutes les échanges d'argent utilisant ce système, qui représente 80 % des transactions. Jeanine Hennis-Plasschaert est europarlementaire, membre de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE).
En coopérant avec le Trésor américain, Swift a notamment pour but de geler les actifs de potentiels terroristes. Ce système post 11-Septembre a-t-il encore une raison d'être ?
Ce qui était apparu comme une mesure d'urgence temporaire, en réponse aux attentats du 11-Septembre, est devenu, de facto, permanente sans approbation ou autorisation spécifiques des autorités de l'Union européenne. Aucune étude d'impact réelle sur les implications sécuritaires, judiciaires et de protection des données au niveau transatlantique n'a par ailleurs été menée.
De telles méthodes n'ont pas aidé à construire un climat de confiance mutuelle dans la coopération transatlantique, en vue de lutter contre le terrorisme. Mais il est clair qu'un échange et une utilisation ciblée des données à des fins de lutte contre le terrorisme est, et restera, nécessaire.
Au mois de février, les eurodéputés ont rejeté un précédent accord intérimaire. Quelles sont les craintes des parlementaires européens ?
Il y en a beaucoup. Avec cet projet, l'Union européenne continue d'externaliser son intelligence économique vers les Etats-Unis. Par ailleurs, les exigences européennes pour une utilisation "juste et proportionnée" des informations personnelles ne sont pas remplies. Enfin, il n'est pas difficile d'imaginer qu'accepter cet accord en l'état pourrait nous mener sur la pente glissante d'accepter d'autres demandes de données commerciales, telles que Skype ou Paypal par exemple, qui pourraient être intéressantes dans le cadres de lois plus répressives.
D'un point de vue technique, le système Swift est-il véritablement le mieux armé pour lutter contre les transferts d'argent de terroristes présumés ?
Le système ne permet pas de "chercher" dans le contenu des messages, et ne peut pas interroger la base de données sur des critères comme des noms ou des adresses. Cela signifie que Swift doit transférer, réellement ou virtuellement, toutes ses données au Trésor américain. Ceci enfreint les principes de base de la protection des données, et la nécessité d'une proportionnalité, et ce problème ne peut pas être rectifié par de simples mécanismes de supervision et de contrôle.
Quelles atteintes à la vie privée représente selon vous le projet d'accord ?
Le projet d'accord n'explicite pas si les transferts de données sont limités dans le temps. De la même manière, il ne dit pas si une autorisation judiciaire est requise, ni ne précise les conditions d'échange de données à des pays tiers par les Etats-Unis. Il est enfin impossible de parler de réciprocité. Une vraie réciprocité voudrait que les autorités européennes puissent obtenir et utiliser les données contenues sur les serveurs américains.
Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement européen a acquis un droit de veto sur les accords internationaux. Ce veto pourrait-il être utilisé à propos de Swift ?
Nous avons déjà utilisé ce droit en février, et si nécessaire, nous le réutiliserons. Cela dépend du résultat des négociations.
La précédente motion du Parlement européen a été largement approuvée, toutes formations confondues. La problématique de Swift transcende-t-elle les clivage politiques ?
Le Parlement ne veut pas être complice d'un accord transatlantique dans lequel les lois européennes seraient bafouées. Par ailleurs, imaginons, à rebours, ce que dirait le Congrès américain si son exécutif proposait de transférer les données bancaires de citoyens américains à des "puissances étrangères" ? Nous savons tous ce que dirait le Congrès...
Outre la question du transfert des données bancaires, les Etats-Unis et l'Europe négocient aussi le transfert de données personnelles contenues dans les dossiers passagers. Ces deux dossiers sont-ils traités simultanément ?
Non, les négociations suivent deux chemins séparés. Bien sûr il y a certaines similitudes, mais au final, les parties prenantes sont différentes. Il est également important de noter qu'un accord global entre l'Union et les Etats-Unis sur la protection des données personnelles et le partage d'informations va aussi être négocié.
Propos recueillis par Laurent Checola
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