samedi 1 mai 2010

Rejet de Flash : les arguments de Steve Jobs passés au crible


L'iPad d'Apple ne gère pas le format Flash.

En six points, Steve Jobs détaille, jeudi 29 avril, dans une communication intitulée "Pensées sur Flash", ce qui justifie, selon lui, l'abandon de la technologie d'Adobe sur les appareils d'Apple. Ces critiques sont-elles fondées ?
La question de l'"ouverture"

Pour le responsable de la firme de Cupertino, les produits d'Adobe Flash sont "100 % propriétaires". "Ces produits ne sont disponibles que depuis Adobe, qui a la seule autorité sur les évolutions futures, sur les prix, etc."

A cette critique, Shantanu Narayen, le directeur général d'Adobe, rétorque, dans un entretien au Wall Street Journal, que la nouvelle suite de développement d'Adobe, la Creative Suite, était destinée à plusieurs plates-formes mobiles. A la mi-avril, Apple a en fait durci les conditions d'utilisation du kit de développement pour l'iPhone OS 4, les applications devant être conçues avec les outils propriétaires d'Apple et certains langages de codage, comme l'Objective-C, C, C++.
Certes, les produits Adobe sont propriétaires, rappelle également le site Blixtsystems, mais plusieurs outils d'Adobe, à commencer par son lecteur, sont disponible en open source.

Accès "à tout le Web"

"Adobe évoque régulièrement que les produits Apple ne peuvent pas accéder à "tout le Web", parce que 75 % du Web est en Flash. Ce qu'ils ne disent pas est que toutes ces vidéos sont disponibles dans un format plus moderne, le H.264, supporté par les iPhones, les iPods et les iPads", poursuit Steve Jobs.

Le système d'encodage soutenu par Apple, le H.264, présenté par Steve Jobs comme le futur standard du Web, risque en réalité de poser des problèmes de licence. En janvier, la fondation Mozilla s'inquiétait de l'adoption de ce codec par les plates-formes de vidéo Vimeo et YouTube. Contrairement au format de compression Ogg Theora, libre et gratuit, le H.264 requiert en effet le versement d'une licence, estimée par Mozilla a cinq millions de dollars (3,6 millions d'euros) par an.

Concernant la question de la totalité d'accès aux applications, Steve Jobs n'évoque pas non plus la question des jeux. D'après les statistiques d'Adobe, 70 % des sites de jeux supportent Flash.
Sécurité et performance

Les critiques d'Apple envers la sécurité de Flash reviennent comme un leitmotiv. "Nous savons que Flash est la première raison des plantages de Mac. Nous avons travaillé avec Adobe pour régler ces problèmes, mais ils persistent depuis des années", lance Steve Jobs, dans sa dernière lettre.

Les pirates informatiques ciblent en effet souvent les vulnérabilités des versions non actualisées du programme d'Adobe. Selon le dernier rapport de la société d'antivirus Symantec, les entreprises sont particulièrement exposées à ces vulnérabilités. Les failles de Flash et du lecteur de documents PDF d'Adobe, arrivent en deuxième position des attaques sur le Web, dans les entreprises, note Symantec.

Concernant les particuliers, Google a notamment proposé, fin mars, que son navigateur Chrome intègre une mise à jour automatique du plugin Flash, censée éviter les failles sécuritaires.

Durée de la batterie

Steve Jobs accuse les vidéos sous Flash de consommer beaucoup plus d'énergie que celles encodées sous H.264. "La différence est flagrante : sur un iPhone, vous pouvez jouer des vidéos sous H.264 pendant plus de dix heures, alors que [sous Flash] la batterie sera vide en moins de cinq heures". Ce n'est pas la première fois que le patron d'Apple accuse la technologie Flash d'être beaucoup trop gourmande pour la batterie. En février, il annonçait que l'autonomie de l'iPad passerait de 10 heures à 1 h 30 si on y lançait des vidéos Flash...

De leur côté, les ingénieurs Adobe estiment que Steve Jobs s'appuie sur des anciennes version de Flash. Ils préfèrent mettre en avant la version 10.1 de Flash Player, toujours en cours de test, repensée pour consommer le moins de ressources possibles sur les mobiles dernière génération. Michael Chaize, ingénieur chez Adobe, a mis en ligne une vidéo pour montrer quelle était la consommation de batterie avec Flash 10.1 sur un téléphone. Les résultats donnent une autonomie de quatre heures pour la lecture de vidéo, et cinq heures pour les jeux vidéo.

Applications tactiles

"Flash a été pensé pour des PC utilisant des souris, pas pour des écrans tactiles utilisant les doigts." Flash n'aurait donc pas sa place sur l'iPhone et l'iPad car les sites conçus avec cette technologie ne sont pas compatibles avec l'expérience tactile. "De nombreux sites sous Flash utilisent la fonction "rollover", qui ouvre un menu lorsque l'on passe la souris sur un bouton spécifique. L'interface multi-touch d'Apple n'utilise pas la souris, ni le rollover. La plupart des sites sous Flash devront donc être réécrits. Pourquoi ne pas le faire avec des technologies modernes comme HTML5, CSS et Javascript ?"

Cette affirmation fait sourire les développeurs Flash de Blixtsystem, qui estiment que "peu de sites reposent sur le rollover", et si c'était le cas, "il est beaucoup plus facile de modifier les boutons que de reprogrammer entièrement l'application sous une nouvelle technologie."

Flash veut jouer son rôle dans le développement des applications

La dernière critique est, selon Steve Jobs, "la plus importante". Selon lui, Adobe souhaiterait imposer aux développeurs le format Flash pour les applications iPhone et iPad. "Si un développeur devient dépendant des outils et libraires d'une partie tierce, ils ne peuvent tirer avantage des avancées de la plate-forme que si la partie tierce choisit d'adopter ces nouvelles possibilités. Nous ne pouvons pas dépendre du bon vouloir d'un tiers qui décidera si oui et quand il autorisera les développeurs à accéder à nos avancées."

Mais le cœur du problème réside dans la stratégie multi-plate-forme d'Adobe. "La partie tierce peut choisir de ne pas adopter les nouvelles possibilités d'une plate-forme si elles ne sont pas disponibles sur les autres", explique Steve Jobs, qui ajoute que "le but d'Adobe n'est pas d'aider les développeurs à écrire les meilleures applications pour iPhone, iPod et iPad" mais de les aider à écrire des applications multi-plate-formes.

Une accusation que ne récuse pas le directeur général d'Adobe, estimant que sa société et Apple n'ont "pas la même vision du monde. La nôtre est multi-plate-forme." Shantanu Narayen explique que le développement multi-plate-forme "ne bénéficie pas à Apple", qui ne peut pas créer de monopole sur les applications. "C'est pour cela que vous les voyez réagir ainsi", estime-t-il.

Laurent Checola et Chloé Woitier

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