samedi 15 mai 2010

"Benda Bilili" et "Le Nom des gens" : un groupe congolais et Lionel Jospin, étoiles invitées

Une scène du film documentaire français de Renaud Barret et Florent de La Tullaye, "Benda Bilili", présenté en ouverture de la Semaine de la critique 2010.

Pour animer la soirée d'ouverture d'une section parallèle du Festival de Cannes, quel "ambianceur" choisir ? Un groupe de musiciens de rue congolais ou un ancien premier ministre "austère qui se marre" ? La Quinzaine des réalisateurs a choisi la première option en présentant Benda Bilili, un documentaire qui raconte l'accession d'un collectif de Kinshasa au marché international de la musique. La Semaine de la critique a préféré Lionel Jospin, qui fait une apparition (presque) surprise dans Le Nom des gens, comédie de mœurs de Michel Leclerc.

C'est que le cinéma ne suffit pas toujours, si l'on veut donner un peu d'éclat à la fête. Les deux sections proposent cette année une programmation faite de premiers films, réalisés avec de petits moyens par des inconnus. Ce n'est pas un choix pour la Semaine, qui est dédiée aux premiers et deuxièmes longs métrages, mais c'en est un pour la Quinzaine, qui a souvent invité des cinéastes chevronnés, comme Francis Ford Coppola l'an passé.
Comme les sections parallèles n'ont pas les moyens d'attirer les quelques stars de cinéma encore en activité, il leur faut recourir à des stratégies alternatives, quitte à s'éloigner de l'orthodoxie cinématographique.

La saga de Staff Benda Bilili fait plaisir à voir. Elle a trouvé sa conclusion provisoire dans la soirée du jeudi 13 mai. Les musiciens que l'on avait vus en loques dans les premières séquences du film, vivant dans des conditions de précarité épouvantables, étaient vêtus comme de vrais sapeurs et faisaient danser le gratin du cinéma d'auteur à la fête de la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes.
Ce sont les réalisateurs de Benda Bilili qui ont écrit cette histoire, cinq ans durant. Tout en filmant la vie quotidienne de ces musiciens, pour la plupart rendus paraplégiques par la poliomyélite, Renaud Barret et Florent de la Tullaye leur ont apporté progressivement les moyens matériels nécessaires à la réalisation de maquettes de chansons, puis d'un disque et à l'organisation d'une tournée européenne.

Benda Bilili a cette qualité propre aux documentaires au long cours qui font voir le passage du temps, les enfants qui grandissent (le Staff Benda Bilili est entouré de gamins des rues), les rides qui se creusent. Les réalisateurs ne cachent pas non plus la réalité infernale à laquelle leurs protégés ont échappé. Par moments, des éclats de l'état de guerre perpétuelle qui règne dans les rues de Kinshasa traversent l'atmosphère euphorique. C'est quand même celle-ci qui finit par l'emporter, comme en témoignait l'extrême enthousiasme du public dans la salle souterraine qui accueille les projections de la Quinzaine.

Lionel Jospin avec l'actrice Sara Forestier et le réalisateur du "Nom des gens", Michel Leclerc, sur le plateau du "Grand Journal" au 63e Festival de Cannes, le 13 mai 2010.

Celles de la Semaine de la critique ont lieu au niveau de la mer, dans une salle qui donne presque sur la Croisette. Les organisateurs, en l'occurrence le Syndicat français de la critique, espéraient présenter le film d'ouverture, Le Nom des gens, comme si de rien n'était, avec son réalisateur et ses acteurs, Sara Forestier et Zinedine Soualem. A la fin, les spectateurs auraient découvert que Lionel Jospin y fait une apparition.

Baya (Sara Forestier), l'héroïne, fait à son compagnon Arthur Martin (Jacques Gamblin), jospiniste convaincu, la surprise d'amener son idole prendre un verre à la maison. Celui-ci explique qu'il est venu parce qu'"un jospiniste aujourd'hui, c'est aussi rare qu'un canard mandarin sur l'île de Ré". La salle aurait alors fait un triomphe à l'invité inattendu. Mais s'il est un lieu où il est impossible de garder un secret…

Le matin même, Le Figaro consacrait un article à l'excursion cannoise de l'ancien premier ministre et quelques minutes avant la projection, celui-ci répondait aux questions de Michel Denisot sur le plateau de Canal+, juste de l'autre côté de la Croisette. Si bien que nul n'ignorait sa présence dans le film, que toutes les caméras étaient braquées sur lui, dédaignant superbement les acteurs présents. A son arrivée, Lionel Jospin a expliqué à France 2 qu'il n'aurait pas voulu que sa présence dans le film "détourne l'attention".

C'était un peu raté, comme si l'on ne s'était intéressé qu'au manitou de la communication Marshall McLuhan (qui réglait en personne une discussion entre Alvin Singer et Annie Hall dans le film de Woody Allen) lors de la première d'Annie Hall.

Non que Le Nom des gens se hisse à de telles hauteurs comiques, mais l'apparition de Lionel Jospin ne doit pas détourner tout à fait l'attention de la drôlerie gentiment provocante du film.
Benda Bilili, documentaire français de Renaud Barret et Florent de La Tullaye. (1 h 24.)
Benda Bilili, documentaire français de Renaud Barret et Florent de La Tullaye. (1 h 24.)
Le Nom des gens, film français de Michel Leclerc avec Jacques Gamblin, Sara Forestier. (1 h 40.)

Thomas Sotinel

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