
Une nouvelle opération militaire d'envergure a été lancée, début janvier, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette offensive bénéficie de l'appui de la majeure partie des quelque 20 000 casques bleus de la Mission d'observation des Nations unies au Congo (Monuc), à un moment où Kinshasa commence à remettre en cause la présence sur son sol du plus important déploiement de casques bleus dans le monde.
Baptisée "Amani Leo", l'opération militaire prévue pour durer plusieurs mois doit permettre aux forces armées congolaises (FARDC), entre autres objectifs, de "libérer" des zones contrôlées par ceux que l'on appelle à Kinshasa, les "forces négatives " : les miliciens hutus rwandais présents en RDC et qui ont participé au génocide de 1994.
Mieux équipée que l'armée congolaise, la Monuc fournira à celle-ci les renseignements militaires, l'appui logistique et sanitaire, le carburant, l'alimentation. Et, à l'occasion, elle apportera "un appui feu".
"FORCES NÉGATIVES"
Sans cette aide, personne n'imagine que l'armée dite régulière, peu motivée et faite d'éléments disparates, puisse s'imposer face aux anciens "génocidaires", même si les effectifs de ces derniers, disséminés en petits groupes dans la forêt, ne dépassent pas 6 000 combattants, selon la Monuc.
Avec l'opération "Amani Leo", le rôle de la Monuc va différer de ce qu'il était lors des deux précédentes opérations aux objectifs similaires, en 2009, a prévenu à la mi-janvier son chef, le lieutenant général Babacar Gaye. Cette fois, l'appui des casques bleus ne sera pas automatique. Il n'interviendra que pour des "opérations planifiées conjointement" et qui devront être menées "dans le respect des droits de l'homme", insiste la Monuc.
Le bilan humanitaire catastrophique des offensives antérieures explique les restrictions décidées par la Monuc et approuvées par le Conseil de sécurité de l'ONU. Car si l'armée congolaise a réduit le fief des milices hutu, son comportement sur le terrain vis-à-vis des civils lui a valu d'être dénoncée par les associations non gouvernementales (ONG). Human Rights Watch (HRW), a ainsi "documenté les meurtres délibérés d'au moins 732 civils (...) par des soldats de l'armée congolaise et leur partenaire au sein de la coalition".
La Monuc juge ces chiffres surévalués. " C'est clair, il y a eu des abus", reconnaît son porte-parole militaire, le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich, avant de rappeler que "les casques bleus ont cessé de fournir leur soutien à une brigade (la 213e) coupable d'exactions". "Ce cas mis à part, la Monuc fait confiance à la justice militaire congolaise pour punir les auteurs de violences contre des civils, identifiés par la mission de l'ONU", ajoute le militaire. "Il y aurait eu une trentaine de jugements prononcés ", croit savoir un porte-parole de la Monuc, Kevin Kennedy. Les auteurs de violences ont-ils été condamnés ? La Monuc l'ignore.
SOUVERAINETÉ
Paradoxalement, la Monuc a beau apporter un soutien essentiel à l'armée dans sa lutte contre les "génocidaires", sa présence au Congo fait débat à Kinshasa. Fin novembre 2009, le président Joseph Kabila a souhaité qu'un "plan de désengagement de la Monuc" soit présenté au gouvernement "avant le 30 juin". Pour justifier sa demande, le chef de l'Etat a mis en avant "l'amélioration nette de la situation sécuritaire dans l'est du pays".
En juin, l'ancien Congo belge célébrera- en grande pompe - le 50e anniversaire de son indépendance. Il est possible que le président Kabila souhaite à cette occasion montrer un pays vide de toute présence militaire étrangère. Même celle de casques bleus. Mais il n'est pas exclu que le chef de l'Etat veuille se débarrasser de la Monuc pour se maintenir au pouvoir le plus discrètement possible, au prix d'un tour de passe-passe constitutionnel qui lui permettrait de briguer autant de mandats présidentiels qu'il le souhaite.
Jean-Pierre Tuquoi
LE MONDE 09.01.10 13h20 • Mis à jour le 09.01.10 13h20
Kinshasa Envoyé spécial
Baptisée "Amani Leo", l'opération militaire prévue pour durer plusieurs mois doit permettre aux forces armées congolaises (FARDC), entre autres objectifs, de "libérer" des zones contrôlées par ceux que l'on appelle à Kinshasa, les "forces négatives " : les miliciens hutus rwandais présents en RDC et qui ont participé au génocide de 1994.
Mieux équipée que l'armée congolaise, la Monuc fournira à celle-ci les renseignements militaires, l'appui logistique et sanitaire, le carburant, l'alimentation. Et, à l'occasion, elle apportera "un appui feu".
"FORCES NÉGATIVES"
Sans cette aide, personne n'imagine que l'armée dite régulière, peu motivée et faite d'éléments disparates, puisse s'imposer face aux anciens "génocidaires", même si les effectifs de ces derniers, disséminés en petits groupes dans la forêt, ne dépassent pas 6 000 combattants, selon la Monuc.
Avec l'opération "Amani Leo", le rôle de la Monuc va différer de ce qu'il était lors des deux précédentes opérations aux objectifs similaires, en 2009, a prévenu à la mi-janvier son chef, le lieutenant général Babacar Gaye. Cette fois, l'appui des casques bleus ne sera pas automatique. Il n'interviendra que pour des "opérations planifiées conjointement" et qui devront être menées "dans le respect des droits de l'homme", insiste la Monuc.
Le bilan humanitaire catastrophique des offensives antérieures explique les restrictions décidées par la Monuc et approuvées par le Conseil de sécurité de l'ONU. Car si l'armée congolaise a réduit le fief des milices hutu, son comportement sur le terrain vis-à-vis des civils lui a valu d'être dénoncée par les associations non gouvernementales (ONG). Human Rights Watch (HRW), a ainsi "documenté les meurtres délibérés d'au moins 732 civils (...) par des soldats de l'armée congolaise et leur partenaire au sein de la coalition".
La Monuc juge ces chiffres surévalués. " C'est clair, il y a eu des abus", reconnaît son porte-parole militaire, le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich, avant de rappeler que "les casques bleus ont cessé de fournir leur soutien à une brigade (la 213e) coupable d'exactions". "Ce cas mis à part, la Monuc fait confiance à la justice militaire congolaise pour punir les auteurs de violences contre des civils, identifiés par la mission de l'ONU", ajoute le militaire. "Il y aurait eu une trentaine de jugements prononcés ", croit savoir un porte-parole de la Monuc, Kevin Kennedy. Les auteurs de violences ont-ils été condamnés ? La Monuc l'ignore.
SOUVERAINETÉ
Paradoxalement, la Monuc a beau apporter un soutien essentiel à l'armée dans sa lutte contre les "génocidaires", sa présence au Congo fait débat à Kinshasa. Fin novembre 2009, le président Joseph Kabila a souhaité qu'un "plan de désengagement de la Monuc" soit présenté au gouvernement "avant le 30 juin". Pour justifier sa demande, le chef de l'Etat a mis en avant "l'amélioration nette de la situation sécuritaire dans l'est du pays".
En juin, l'ancien Congo belge célébrera- en grande pompe - le 50e anniversaire de son indépendance. Il est possible que le président Kabila souhaite à cette occasion montrer un pays vide de toute présence militaire étrangère. Même celle de casques bleus. Mais il n'est pas exclu que le chef de l'Etat veuille se débarrasser de la Monuc pour se maintenir au pouvoir le plus discrètement possible, au prix d'un tour de passe-passe constitutionnel qui lui permettrait de briguer autant de mandats présidentiels qu'il le souhaite.
Jean-Pierre Tuquoi
LE MONDE 09.01.10 13h20 • Mis à jour le 09.01.10 13h20
Kinshasa Envoyé spécial
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire