lundi 29 mars 2010

La Colombie cherche à renouer les liens avec ses cerveaux expatriés

La Colombie peut-elle faire de la fuite des cerveaux un atout ? "Oui, grâce à Internet ", répond enthousiaste Alejandro Blanco. Communicateur de formation et passionné d'anthropologie sociale, il travaille sur le projet Redes Colombia ("Réseaux Colombie"). L'objectif est de "connecter les Colombiens du monde", afin à terme de susciter des "synergies créatives" entre scientifiques, entreprises, secteur public, société civile, artistes et autres forces vives de la nation.

Selon les chiffres du dernier recensement – forcément imprécis quand il s'agit de compter des absents –, 3,4 millions de Colombiens sont établis à l'étranger (soit 8% du total de la population), certains depuis les années 1960. Au tournant du siècle, le conflit armé et la crise économique ont poussé à l'exode de milliers de diplômés Colombiens. "L'impact de cette migration qualifiée n'a jamais été évaluée", explique Rosa Ibel Pinzon, directrice de Redes Colombia.

PLATE-FORME TECHNOLOGIQUE

Dès 1992, le Réseau Caldas (Red Caldas) est créé, qui tente d'établir un lien entre les scientifiques colombiens de l'étranger et leur pays d'origine. Internet en est à ses balbutiements. "Rappelez vous : le concept de "réseau" – si courant aujourd'hui– n'existait pas encore", souligne le mathématicien Jorge Charum, un des créateurs du Réseau Caldas, placé depuis sous la tutelle de Colciencias, l'organisme public chargé de la science et la recherche. Pionnier en Amérique latine, le Réseau Caldas suscite l'enthousiasme de la communauté scientifique.

"Il offrait aux Colombiens de l'étranger la possibilité de faire quelque chose pour leur pays sans les contraindre à prendre la difficile décision du retour", explique Clemente Forero, ancien directeur de Colciencias. Aux Etats-Unis, en Europe, au Japon des "nodules" de chercheurs sont créés. Plus de 2000 scientifiques y participeront. Mais, revirements politiques, lourdeurs administratives et manque de moyens vont venir à bout des premières initiatives.

Redes Colombia tente aujourd'hui de prendre la relève. L'initiative est, cette fois, venue du ministère des relations extérieures qui, avec l'Office internationale des migrations (OIM) finance le projet. Le public visé est vaste. Redes Colombia prétend en effet maintenir en contact toute la diaspora grâce à une plate-forme technologique qui permet de "mettre en réseau les réseaux de Colombiens". Tous sont bienvenus sur le portail internet : le réseau des fans de foot colombien à Miami comme celui des spécialistes de nanotechnologies. Redes Colombia compte 36 000 membres (dont 500 organisations).

"A la différence de Red Caldas, Redes Colombia va permettre aux réseaux scientifiques de fonctionner en contact avec le reste de la communauté, explique M. Blanco. C'est là que des synergies porteuses sont attendues, notamment entre le monde de la recherche et celui des entreprises. C'est là que se fera la différence avec les réseaux existants au niveau des universités ou des instituts de recherche". Le projet qui n'en est qu'à ses débuts a reçu l'appui de l'Union Européenne. "Le potentiel d'Internet et de Redes Colombia est énorme", admettent les universitaires Clemente Forero et Jorge Charum. Mais, rappellent-ils, la coopération scientifique a aussi besoin de volonté politique et de moyens financiers.

Marie Delcas
Le Monde

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