lundi 29 mars 2010

Volvo sous pavillon chinois


En cédant Volvo, Ford met un terme à ses ambitions dans le haut de gamme. Ici une Volvo C70.

Le constructeur américain vend sa filiale suédoise pour 1,3 milliard d'euros. Geely signe la plus grosse acquisition d'un groupe chinois dans l'automobile à l'étranger et entre de plain-pied dans le secteur en Europe.

La roue tourne pour Volvo Cars. Au début des années 1990, le fleuron de l'industrie automobile suédoise avait snobé une ­fusion avec Renault, avant d'être ­finalement racheté par le constructeur américain Ford en 1999. Dimanche, Volvo est tombé dans l'escarcelle de son concurrent chinois Geely.

Une bonne affaire pour le chinois, qui va débourser 1,8 milliard de dollars (1,34 milliard d'euros), soit quatre fois moins que les 6,4 milliards de dollars payés par Ford en 1999. Cette acquisition, la plus grosse réalisée par un groupe chinois dans le secteur, marque un véritable tournant. Elle consacre la montée en puissance de la Chine dans l'industrie automobile mondiale.

Quasiment inconnu en Europe, Geely a commencé il y a vingt ans comme fournisseur de pièces détachées pour réfrigérateurs, avant de devenir le premier constructeur automobile privé de Chine. Son patron, Li Shufu, un ingénieur qui a fondé le groupe en 1986, est 123e fortune chinoise, avec un milliard de dollars. Employant 12 000 personnes dont 1 600 ingénieurs en Chine, Geely gère six usines d'assemblage, possède 500 concessionnaires et 600 stations-service à travers tout le pays. Avec environ 300 000 voitures vendues l'an passé, Geely est le numéro dix du secteur en Chine.

Fort de son succès, Geely entend bien sortir de ses frontières. Après Volvo, le groupe convoite aussi les taxis noirs de Londres. Il est en négociations pour prendre le contrôle de Manganese Bronze, l'entreprise qui fabrique les célèbres «black cabs» londoniens, dont il détient déjà 20%.
Maintien des usines enEurope

Alors que Volvo emploie 19650 salariés dans le monde, les emplois sont-ils menacés en Europe? Li Shufu a déjà notifié sa volonté de construire une usine à Pékin, où seront fabriquées 300000Volvo par an pour le marché chinois. Mais le groupe a aussi dit son intention de maintenir en activité les usines en Europe, les principales étant situées à Torslanda (Suède) et Gand (Belgique).

«Je vois Volvo comme un tigre, a lancé dimanche Li Shufu au siège de ­Volvo en Suède, où le drapeau chinois avait été hissé. Le tigre appartient à la forêt, il ne peut pas être mis dans un zoo, dans un tout petit enclos. Nous devons libérer ce tigre. Le cœur du tigre se trouve en Suède et en Belgique, mais sa puissance doit être projetée partout dans le monde. Je vois la Chine comme un des marchés où Volvo doit montrer sa capacité à lâcher les chevaux

Un temps réticents, les syndicats ont paru rassurés et se sont déclarés favorables au rachat. «Je ne veux pas entrer dans le détail mais nous avons obtenu une réponse à nos questions», a indiqué Glenn Magnusson, président du syndicat Ledarnas. En réalité, ni Volvo ni son propriétaire, Ford, n'avaient véritablement le choix. Spécialisé dans les berlines et breaks haut de gamme, Volvo, fondé en 1927, a vu ses ventes plonger en raison de la crise économique qui a profité aux petits modèles abordables

Quant à Ford, deuxième constructeur américain et le seul à ne pas avoir eu recours à l'aide de l'État fédéral lors de la récession, l'accord avec Geely va lui permettre d'alléger son bilan et de concentrer ses efforts commerciaux sur la marque Ford.

En cédant Volvo, Ford met toutefois un terme à ses ambitions dans le haut de gamme, après avoir revendu les marques de luxe Aston Martin, Jaguar et Land Rover, quelques années après leur acquisition au prix fort.

Au Bangladesh, des patrouilles pour protéger le tigre du Bengale

Le Bangladesh va former des patrouilles de villageois qui circuleront dans la plus grande mangrove du monde pour empêcher le massacre du tigre du Bengale, une espèce menacée, ont annoncé lundi 29 mars les autorités.

Cette initiative intervient après une hausse du nombre de tigres tués dans la région des Sunderbans, d'une superficie de 10 000 km2, située dans le delta du Gange qui sépare l'Inde du Bangladesh. En dix ans, plusieurs dizaines de tigres ont été massacrés après être entrés dans des villages. "Il est impossible de conserver ces tigres particuliers, sauf si l'on implique les villageois dans la protection de l'animal", a déclaré Abdul Motaleb, le responsable de la préservation du domaine forestier au Bangladesh.

L'an dernier, près de trente personnes ont été tuées après avoir été attaquées par des tigres alors qu'elles pêchaient ou récoltaient du miel dans la forêt, selon la presse locale, ce qui explique pourquoi les villageois sont traditionnellement hostiles au tigre.
Le nouveau programme du gouvernement, le premier du genre dans cette région, devrait permettre la création d'une équipe de dix personnes dans chaque village situé en lisière de forêt.

"Les équipes de patrouille informeront les autorités forestières dès qu'un tigre entrera dans leur village. Ils persuaderont aussi les habitants de ne pas leur faire de mal", a précisé M. Motaleb, ajoutant que des récompenses en nature seront offertes aux équipes remplissant leur mission.

On dénombrait en 2004, selon les dernières données du gouvernement, environ 450 tigres du Bengale dans la région des Sunderbans au Bangladesh, soit la population de tigres la plus élevée au monde vivant encore à l'état sauvage.

LEMONDE.FR avec AFP

La solitude chinoise de Google


Il est encore trop tôt pour savoir si la solution de repli sur Hong Kong choisie par Google va être pérenne. Certains se demandent si l'ire de Pékin pour l'entreprise californienne ne va pas se traduire à terme par le blocage pur et simple du moteur de recherches en Chine. Mais on peut aussi estimer que la configuration est bonne pour Pékin, qui a intérêt à montrer que le concept « un pays deux systèmes » fonctionne bien, y compris pour le domaine dématérialisé du Web. Les lois sont respectées et pour les internautes continentaux, les résultats du moteur de recherche sont soumis à la censure.

La stratégie de la firme californienne est-elle la bonne ? Sans en préjuger, constatons que contrairement à ce que pronostiquaient certains commentateurs, Google a été cohérent et est allé au bout de sa démarche. Ses dirigeants ont fait ce qu'ils ont dit, et dit ce qu'ils ont fait, ce n'est pas si courant. Et, durant les deux mois qu'ont duré les négociations, l'entreprise s'en est tenue à une sobre attitude, en restant discrète et s'abstenant de déclarations grandiloquentes. Il n'en reste pas moins que Google se sent aujourd'hui un peu seule. Pourtant eux aussi membres fondateurs de l'organisation Global Network initiative, lancée en 2008 pour «protéger la liberté d'expression et le droit à la vie privée» des internautes, Microsoft et Yahoo n'ont guère fait montre de solidarité, c'est le moins que l'on puisse dire.

Seule la société américaine de gestion de noms de domaine Go Daddy, a emboîté le pas à Google, en annonçant avoir cessé de vendre des noms de sites avec le suffixe chinois « .cn ». Interrogée cette semaine, Yahoo a gardé le silence. «Ce n'est pas notre boulot de réparer la Chine», avait lancé l'an dernier la directrice général de Yahoo, Carol Bartz. Il est vrai que l'entreprise n'est plus vraiment concernée, puisqu'elle a vendu l'exploitation de sa marque en Chine au groupe chinois Alibaba. En janvier, Microsoft avait déclaré : «nous reconnaissons que différentes sociétés peuvent arriver à différentes conclusions». Bill Gates avait été encore moi sympathique pour Google en déclarant : «il faut décider si l'on veut obéir aux lois des pays où l'on est présent, ou pas. Et si la réponse est non, alors il faut peut-être arrêter d'y être présent». Dans une interview paru la semaine dernière dans The Guardian, le co-fondateur de Google Sergey Brin confie être « particulièrement déçu» par Microsoft.

En revanche, ce qu'il est intéressant de noter, c'est que la grande majorité des acteurs étrangers présents en Chine, dans tous les secteurs, se réjouissent de cette affaire Google. Parce que ce « coup de gueule » a eu le mérite de mettre sous le feu des projecteurs les conditions assez particulières de l'environnement des affaires en Chine. En lien, un article paru dans Le Figaro et s'essayant à retracer la saga Google commencée mi-janvier : Google et la Chine.pdf

Aux États-Unis, la neutralité du Net est un enjeu politique

Les plus grands éditeurs du Web comme Google, Yahoo!, eBay, Amazon et YouTube, réclament une réglementation en faveur de la Net neutralité en 2010.

Cela fait dix ans que le débat sur la neutralité d'Internet fait rage aux États-Unis, berceau du Web et pays des géants du secteur. C'est le mariage d'AOL et de Time Warner qui a mis le feu aux poudres au début des années 2000. Quelles seraient les conséquences d'une intégration verticale d'un fournisseur d'accès à Internet et d'un groupe de médias? En parallèle, les câblo-opérateurs américains gagnaient aussi des parts en tant que fournisseurs d'accès à Internet haut débit. Et si ces intermédiaires privilégiaient l'accès à leurs contenus au détriment d'autres? Les internautes se sont mobilisés et le débat a suscité de nombreux travaux dont celui de Tim Wu, professeur à la faculté de droit de Columbia, qui, en 2003, a publié un essai sur «la neutralité du Net et la discrimination haut débit», qui s'interroge sur les critères réglementaires à appliquer des réseaux.

La querelle est devenue politique dès le milieu des années 2000 avec des démocrates favorables à une régulation de la gestion des réseaux et des républicains qui défendent la liberté des FAI à gérer leurs réseaux comme bon leur semble. Les grands opérateurs comme Cox Communications et Comcast ne s'en sont d'ailleurs pas privés, limitant l'accès Internet de consommateurs trop gourmands en bande passante. Attaqué en justice par plusieurs consommateurs dans le cadre d'une class action, Comcast s'est résolu à verser 16millions de dollars pour un règlement amiable.

Les fournisseurs d'accès tentés de faire la police

Le sujet est aujourd'hui repris en main par l'actuel président de la Federal Communications Commission (FCC), Julius Genachowski, proche de Barack Obama depuis leurs études communes à Harvard. Soutenu par le président américain, ce dernier entend parvenir à une réglementation en faveur de la Net neutralité en 2010.

Cette réglementation est réclamée par les plus grands éditeurs du Web comme Google, Yahoo!, eBay, Amazon et YouTube. Ils sont en effet en première ligne car ils doivent pouvoir atteindre tous les internautes quel que soit le fournisseur d'accès. Or, ces derniers sont tentés de faire la police sur leurs réseaux. En août 2007, les internautes abonnés à Neuf Cegetel se sont ainsi vu interdire ou brider l'accès au site de partage de vidéos Dailymotion. Des «désagréments» ayant «pour origine une perturbation dans la gestion de l'échange de trafic entre Neuf et Dailymotion», rapporte alors la plate-forme vidéo sur son blog. L'incident a conduit à la formation d'une Association des services Internet communautaires (Asic) pour défendre les intérêts des éditeurs de sites dans ce combat. «Aujourd'hui, l'internaute ne sait pas d'où vient la panne», a rappelé Charles-Emmanuel Bon, directeur du développement de RTL, lors d'un colloque organisé jeudi dernier par l'Asic. Mais si le site ne fonctionne plus, son éditeur est le premier pénalisé, perdant audience, recettes publicitaires et réputation.

Favorables à l'instauration de règles claires, les éditeurs de services Internet estiment aussi que la neutralité du Net est nécessaire pour permettre l'émergence de nouveaux services. Selon une étude publiée en octobre 2009 par le Berkman Center for Internet &Society (Harvard), les pays où plus de 70% des foyers ont un accès haut débit, comme les Pays-Bas, le Danemark, la Suède ou la Norvège, sont ainsi aussi ceux où il y a le plus grand nombre d'entreprises Internet. Or, «un Internet ouvert est facteur d'attractivité pour les consommateurs» qui souscrivent donc aux offres des FAI , analyse Benoît Tabaka, directeur juridique de PriceMinister.

Comment la monnaie unique a profité aux pays européens


INFOGRAPHIE - L'Allemagne a profité de l'euro pour gagner en compétitivité. Ses partenaires commerciaux ont également tiré profit de la monnaie unique. De façon parfois égoïste.

Le débat fait rage sur la politique économique allemande fondée sur la rigueur salariale et les exportations. Ses partenaires de la zone euro l'accusent d'avoir fait cavalier seul et d'avoir creusé leurs déficits commerciaux. Mais il s'avère que tous les pays ont tiré profit à leur manière de l'euro.

«Les pays membres n'ont pas pris soin de la monnaie unique, chacun a tiré profit de l'euro sans se soucier beaucoup des conséquences sur ses partenaires et sur l'euro lui-même», analyse Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital. Les réformes demandées par l'Allemagne -Fonds monétaire européen, sanctions durcies à l'encontre des pays laxistes- constituent une première réponse aux dérives passées.

La Colombie cherche à renouer les liens avec ses cerveaux expatriés

La Colombie peut-elle faire de la fuite des cerveaux un atout ? "Oui, grâce à Internet ", répond enthousiaste Alejandro Blanco. Communicateur de formation et passionné d'anthropologie sociale, il travaille sur le projet Redes Colombia ("Réseaux Colombie"). L'objectif est de "connecter les Colombiens du monde", afin à terme de susciter des "synergies créatives" entre scientifiques, entreprises, secteur public, société civile, artistes et autres forces vives de la nation.

Selon les chiffres du dernier recensement – forcément imprécis quand il s'agit de compter des absents –, 3,4 millions de Colombiens sont établis à l'étranger (soit 8% du total de la population), certains depuis les années 1960. Au tournant du siècle, le conflit armé et la crise économique ont poussé à l'exode de milliers de diplômés Colombiens. "L'impact de cette migration qualifiée n'a jamais été évaluée", explique Rosa Ibel Pinzon, directrice de Redes Colombia.

PLATE-FORME TECHNOLOGIQUE

Dès 1992, le Réseau Caldas (Red Caldas) est créé, qui tente d'établir un lien entre les scientifiques colombiens de l'étranger et leur pays d'origine. Internet en est à ses balbutiements. "Rappelez vous : le concept de "réseau" – si courant aujourd'hui– n'existait pas encore", souligne le mathématicien Jorge Charum, un des créateurs du Réseau Caldas, placé depuis sous la tutelle de Colciencias, l'organisme public chargé de la science et la recherche. Pionnier en Amérique latine, le Réseau Caldas suscite l'enthousiasme de la communauté scientifique.

"Il offrait aux Colombiens de l'étranger la possibilité de faire quelque chose pour leur pays sans les contraindre à prendre la difficile décision du retour", explique Clemente Forero, ancien directeur de Colciencias. Aux Etats-Unis, en Europe, au Japon des "nodules" de chercheurs sont créés. Plus de 2000 scientifiques y participeront. Mais, revirements politiques, lourdeurs administratives et manque de moyens vont venir à bout des premières initiatives.

Redes Colombia tente aujourd'hui de prendre la relève. L'initiative est, cette fois, venue du ministère des relations extérieures qui, avec l'Office internationale des migrations (OIM) finance le projet. Le public visé est vaste. Redes Colombia prétend en effet maintenir en contact toute la diaspora grâce à une plate-forme technologique qui permet de "mettre en réseau les réseaux de Colombiens". Tous sont bienvenus sur le portail internet : le réseau des fans de foot colombien à Miami comme celui des spécialistes de nanotechnologies. Redes Colombia compte 36 000 membres (dont 500 organisations).

"A la différence de Red Caldas, Redes Colombia va permettre aux réseaux scientifiques de fonctionner en contact avec le reste de la communauté, explique M. Blanco. C'est là que des synergies porteuses sont attendues, notamment entre le monde de la recherche et celui des entreprises. C'est là que se fera la différence avec les réseaux existants au niveau des universités ou des instituts de recherche". Le projet qui n'en est qu'à ses débuts a reçu l'appui de l'Union Européenne. "Le potentiel d'Internet et de Redes Colombia est énorme", admettent les universitaires Clemente Forero et Jorge Charum. Mais, rappellent-ils, la coopération scientifique a aussi besoin de volonté politique et de moyens financiers.

Marie Delcas
Le Monde

Les réseaux d'échanges de migrants qualifiés se multiplient sur Internet

Tirer profit de la fuite des cerveaux plutôt que la subir, tous les pays qui connaissent un exode massif de leurs diplômés en rêvent... A l'heure du virtuel, l'idée n'a rien d'extravagant. "On assiste, aujourd'hui, à une prolifération de réseaux de diasporas hautement qualifiés visant au développement de leurs pays d'origine. Ceux d'Asie représentent la moitié du total contre près d'un tiers pour l'Afrique et un peu moins d'un quart pour l'Amérique latine", explique Jean-Baptiste Meyer, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

L'Inde et ses "IndUs entrepreneurs", du nom de l'association qui a permis le boom informatique du pays grâce à l'apport des Indiens expatriés dans la Silicon Valley, et la Chine avec son million de professionnels à l'étranger, selon l'Overseas Chinese Professionals, ont ouvert la voie.

Le phénomène est jugé suffisamment porteur pour qu'un programme européen soit lancé, doté de 230 000 euros par an, coordonné par l'IRD avec le ministère colombien des affaires étrangères ainsi qu'une grande université publique uruguayenne. Outre "un dénombrement général et détaillé des populations qualifiées" de Colombie, d'Uruguay et d'Argentine, il vise à valider des méthodes aptes à démultiplier ces réseaux en créant des "incubateurs de diasporas des savoirs".

Un tel essor, même relatif, n'aurait pas eu lieu sans Internet. Pour nombre de Roumains qualifiés qui ont quitté massivement leur pays au début des années 2000, la Toile a représenté un refuge communautaire.

Avant de devenir une plate-forme d'échanges et de projets, le site www.ad-astra.ro, fréquenté par plus d'un millier de scientifiques installés au Canada, aux Etats-Unis, en France et en Suède, leur a permis de participer à distance à la réforme de l'enseignement supérieur roumain, raconte la sociologue Mihaela Nedelcu, de l'université de Neuchâtel (Suisse), auteur d'un essai intitulé Le Migrant online (L'Harmattan, 2009).

Les retombées économiques sont souvent à la clé. Chercheur roumain à l'Ecole polytechnique de Lausanne, Ioan Balin dirige depuis 2006 Enviroscopy, une start-up qu'il a créée simultanément en Suisse et dans son pays. Ce qu'il n'aurait pu réaliser, dit-il, sans le réseau de ses "anciens collègues, amis et étudiants".

L'Institut Pasteur de Montevideo, en Uruguay, ouvert en 2007, doit beaucoup à l'activisme de la communauté latino-américaine de l'Institut Pasteur de Paris. "L'établissement français aurait préféré se développer en Corée ou en Chine. C'est notre action de lobbying qui l'a convaincu du choix de Montevideo", raconte Fernando Lema, chercheur en immunologie, ancien de Pasteur Paris.

Les regards de la communauté scientifique latino-américaine expatriée en Europe se tournent désormais vers l'Institut Max-Planck en Allemagne, qui ouvrira, début 2011, un institut partenaire à Buenos Aires. Il ne s'agit pas d'une simple extension mais bien d'un projet qui se veut bénéfique pour l'Argentine et les pays voisins.

"Nous organiserons des universités d'été à destination des jeunes scientifiques de la région", projette son futur directeur, le biologiste Eduardo Artz. "A défaut de stopper la fuite des cerveaux, il faut instaurer un codéveloppement", analyse M. Lema.

Un changement de perspective qui devient possible car les pays émergents sont de plus en plus attrayants. C'est le cas du Maroc, par exemple, où les étudiants et les cadres expatriés sont à l'affût d'occasions et de liens avec leur pays d'origine. "Les réseaux de professionnels qualifiés marocains sont plus visibles aux Etats-Unis qu'en France, où cette communauté est noyée dans la grande immigration marocaine", explique Sabrina Marchandise, doctorante en géographie à l'université de Montpellier-III (Hérault).

Sur son site, l'association Biomatec, qui réunit la communauté scientifique nord-américaine des sciences de la vie, affiche sa volonté de resserrer les liens entre scientifiques marocains de l'Atlantique et ceux restés sur les rives de la Méditerranée. Même objectif pour Marocentrepreneurs, qui se revendique "le plus grand réseau de cadres supérieurs et d'étudiants en Europe", avec 10 000 membres.

Sans avoir fait le deuil du retour de tous ces cerveaux expatriés, les pays d'origine cherchent à profiter de cette manne, où qu'elle se trouve. C'est le sens du Forum international des compétences marocaines à l'étranger (Fincome, transcription phonétique d'"où êtes-vous ?" en arabe), lancé par le gouvernement marocain, mais aussi du département "chargé des relations avec les Roumains de partout" du ministère des affaires étrangères de Roumanie, ou encore du Réseau des conseils consultatifs des Uruguayens, créé par Montevideo et dont il existe une cinquantaine de modules dans le monde.

Brigitte Perucca
Le Monde

dimanche 28 mars 2010

Révélations sur un massacre de civils perpétré par des rebelles ougandais en RDC

L'Organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HWR) détaille, dans un rapport publié dans la nuit de samedi à dimanche, le massacre "planifié" par les rebelles ougandais de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) de plus de 321 civils mi-décembre 2009 dans des villages du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), proche de la frontière avec le Soudan (la carte ci-dessus retrace les dates des massacres et les villages où ils ont eu lieu).

"Au cours d'une opération bien planifiée", qui s'est déroulée entre le 14 et le 17 décembre dans une dizaine de villages de la région de Makombo, dans le district du Haut Uélé (nord-est), "la LRA a tué plus de 321 civils et enlevé plus de 250 autres personnes, dont au moins 80 enfants", révèle le document de 67 pages intitulé "Le chemin de la mort : Atrocités commises par la LRA dans le Nord-est du Congo". "La grande majorité des victimes étaient des hommes adultes qui ont d'abord été ligotés, avant que les combattants de la LRA ne les tuent à coups de machettes ou leur écrasent le crâne à coups de hache ou de lourds gourdins", écrit HRW après une mission de recherche menée dans la région en février.

Les rebelles étaient entre 25 et 40. Ils ont parcouru une centaine de kilomètres lors de l'opération dont l'objectif était de tuer, enlever et piller, selon Human Rights Watch.

DES ENFANTS "FORCÉS À TUER D'AUTRES ENFANTS"

"Au moins 13 femmes et 23 enfants figuraient parmi les victimes, dont la plus jeune, une fillette de 3 ans, a été brûlée vive", selon l'enquête. Dans chaque village attaqué, ils "se sont fait passer pour des soldats de l'armée congolaise et ougandaise en patrouille, en rassurant les gens en mauvais lingala (langue locale utilisée en RD Congo) et leur disant de ne pas avoir peur et, une fois que les personnes s'étaient rassemblées, ils ont capturé leurs victimes et les ont attachées"."Ils ont spécifiquement recherché les endroits dans lesquels les gens auraient tendance à se rassembler" en demandant où se trouvaient les marchés, églises, points d'eau mais aussi les écoles, "ce qui indique que l'un de leurs objectifs était d'enlever des enfants", avance le rapport.

"Les civils enlevés, dont de nombreux enfants âgés de 10 à 15 ans, ont été attachés avec des cordes ou du fil métallique à la taille, formant souvent des chaînes humaines de cinq à 15 personnes. Ils étaient forcés à porter les marchandises que la LRA avait pillées et ensuite à s'en aller avec eux. Toute personne qui refusait, marchait trop lentement ou tentait de s'enfuir était tuée", est-il expliqué.

Des personnes échappées ont témoigné de "l'extrême brutalité du groupe", selon HRW qui évoque "des enfants capturés" qui ont "été forcés à tuer d'autres enfants qui avaient désobéi aux règles de la LRA (...) Les enfants ont reçu l'ordre d'encercler la victime et de la frapper chacun à leur tour sur la tête avec un gros gourdin jusqu'à ce que mort s'ensuive".

RECOMMANDATIONS

Selon des témoins, la région "a été remplie de l''odeur de la mort'" pendant des jours et des semaines après l'attaque, écrit l'ONG. "Ces quatre jours d'atrocités démontrent que la LRA reste une menace grave pour les civils et non un groupe affaibli, comme le prétendent les gouvernements ougandais et congolais", explique Human Rights Watch dans un communiqué.

Elle regrette par ailleurs l'inertie de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc) - qui dispose d'un millier de soldats dans cette région - après l'attaque, et plaide pour une "stratégie régionale globale" entre la RDC, la Centrafrique, le Sud-Soudan et l'Ouganda. Dans une série de recommandations, elle appelle notamment les Etats-Unis à soutenir l'organisation d'une "conférence internationale" pour répondre à la menace de la LRA et "adopter la loi relative au désarmement de la LRA et à la relance du nord de l'Ouganda".

La rébellion de la LRA, active depuis 1988 dans le nord de l'Ouganda, est réputée pour être une des plus brutales au monde. Depuis 2005, ses combattants se sont installés dans l'extrême nord-est de la RDC, mais aussi en Centrafrique et au Sud-Soudan.

Pour en savoir plus :

Le rapport complet de HWR en anglais

avec AFP

samedi 27 mars 2010

Guerre de succession à la tête de l'agence internationale de l'habitat



Fin de règne à l'ONU-Habitat : après dix ans passés à la tête de l'agence, sa directrice, la Tanzanienne Anna Tibaijuka, présidait à Rio son dernier Forum urbain mondial. Tandis que les hommages se succédaient à la tribune, une guerre de succession feutrée opposait en coulisses les partisans des deux candidats, la diplomate ougandaise Agnes Kilabbala, incarnation de la continuité, et l'ancien maire de Barcelone, Joan Clos, figure de la rupture. Pour beaucoup d'observateurs, c'est l'avenir même de l'ONU-Habitat qui se joue là. Difficile de comprendre ces tensions sans rappeler l'étonnante ascension de cette institution.

Nommée en 2000 à la tête du confidentiel Centre des Nations unies pour les établissements humains, à Nairobi, Mme Tibaijuka quitte, dix ans plus tard, un programme onusien qui se veut l'égal des agences consacrées à l'environnement (PNUE) ou au développement (PNUD), dont elle foule allègrement les plates-bandes. Entre-temps, cette fille de petits cultivateurs est devenue la femme africaine de plus haut rang dans la galaxie de l'ONU. Comprenant tôt les défis qu'une urbanisation massive allait lancer au monde, cette spécialiste d'économie agricole, longtemps sensible au lobby rural très présent aux Nations unies, a su transformer son programme en une esquisse d'ONU des villes.

"Voir plus large"

"Elle ne s'intéresse qu'aux villes du Sud", nuance un responsable français de la coopération urbaine, pour qui "Mme Tibaijuka s'est trop focalisée sur les problématiques de développement". C'est pour "voir plus large, bâtir une ONU de toutes les villes, capable de les représenter dans les relations internationales, dans les négociations sur le climat", que Français et Européens défendent la candidature de Joan Clos.

L'ancien maire de Barcelone bénéficie aussi d'un important soutien à l'intérieur même de l'ONU-Habitat. "Anna Tibaijuka a su incarner une vision politique de l'urbanisation, mais ce n'est pas une gestionnaire, elle a fragilisé notre action par une série de recrutements catastrophiques, des orientations stratégiques qui nous ont éloignés de l'expertise de terrain, des querelles d'ego, résume un cadre de l'agence. Joan Clos, lui, a fait la preuve qu'il est un vrai manager."

Un tout autre argument pourrait décider le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, à nommer Agnes Kilabbala dans les semaines qui viennent : les deux autres agences basées à Nairobi, le Programme des Nations unies pour l'environnement et le bureau de coordination des services, sont dirigées par l'Allemand Achim Steiner et le Russe Alexander Barabanov.

Remplacer la seule femme africaine par un troisième homme du Nord lancerait, selon un expert, un curieux message.

Gr. A.
Le Monde

SPECIAL CHINE : La conquête de l'Afrique


La Chine a grand besoin de matières premières pour se développer. Elle les trouve en Afrique, et notamment au Congo. Par tous les moyens.

On m'avait dit : « Il faut aller au Congo, c'est plein de Chinois. » Mais même au Katanga, la riche province minière du sud du pays, dont les collines pelées recèlent des millions de tonnes de cuivre, de cobalt, d'uranium et de bien d'autres métaux rares convoités par Pékin, les Chinois sont quasi invisibles. Bien vus des dirigeants, auxquels ils promettent monts et merveilles, ils ne sont guère appréciés de l'homme de la rue.

De taille moyenne, mince, âgé de 45 ans et en paraissant dix de moins, M. Lee ne se sent pas très à l'aise dans ce pays de l'Afrique centrale qu'est la République démocratique du Congo (RDC). Il est arrivé au printemps au Katanga, pour un an, et ce n'est manifestement pas un choix délibéré. Il a appris le français à Hongkong et est chargé des relations entre son entreprise-une société minière-et l'administration congolaise. Malgré sa courtoisie extrême, M. Lee s'arrache les cheveux. « Ici, c'est difficile. Les problèmes avec l'administration sont infinis, il y a beaucoup de lois et de décrets, et ils changent souvent. On ne peut pas dormir sur son argent », dit-il joliment.

« Sur les 60 sociétés minières de Likasi, 55 sont chinoises. » La cinquantaine chaleureuse, Sicilien de naissance et Lorrain de coeur, François Cascini, président du syndicat des entrepreneurs miniers de la ville, conduit son pick-up qui bringuebale d'un nid-de-poule à l'autre. A 120 kilomètres de Lubumbashi, dans ce sud du Congo qui regarde vers l'Afrique australe et ignore Kinshasa, Likasi est une ville à l'abandon. Pas un bâtiment ne semble avoir été construit depuis l'indépendance, en 1960. Les maisons sortent tout droit d'un vieux film. Seul reste du charme d'antan de vastes avenues... Et un golf 18 trous qu'entretiennent jalousement dix expatriés.

C'est dans ce décor de vieux western que sont arrivés, à partir de 2002, les premiers Chinois. Il y a d'abord eu ceux que les Congolais appellent les « sacs à dos ». Sans gros moyens, ils venaient d'Afrique du Sud ou de Zambie, où ils trafiquaient déjà dans le secteur minier. D'autres sont arrivés directement de Chine, expédiés par des entreprises privées dont le patron, membre du Parti, bénéficie du soutien financier des autorités. Intéressés par le cobalt, ils se sont associés avec des Congolais pour obtenir des permis d'exportation du minerai vers la Chine via l'Afrique du Sud ou la Tanzanie. Depuis, l'empire du Milieu, qui n'extrait pas un gramme de cobalt de son sous-sol, en est un producteur officiel dans ses comptes.

Derniers arrivés : les Chinois envoyés par de grosses sociétés d'Etat. C'est ainsi que s'installe à Likasi, en 2003, Feza Mining, une des rares entreprises chinoises de bonne réputation. Une exception dans ce milieu qui préfère le théâtre d'ombres-et les facilités-de l'informel. « J'ai un cabinet pour aider les entrepreneurs à travailler dans les règles. J'ai eu deux clients chinois, l'un en 2005, l'autre en 2007, c'était assez inhabituel », confirme Eric Monga, juriste.

A la sortie de Likasi, la route de Kakontwe mène à Kolwezi, la ville du cuivre, siège des deux révoltes du Shaba dans les années 70. La piste est baptisée « route de Pékin ». C'est là que, depuis un an, les Chinois de Likasi ont installé des fours pour transformer le minerai de cuivre ou de cobalt et l'exporter sous forme de lingots. Une exigence des autorités, surtout du nouveau gouverneur de la province, le très populaire Moïse Katumbi. « Les Chinois exportent dans les règles, mais, auparavant, ils ont payé des fonctionnaires pour avoir des dérogations d'exportation du minerai », précise François Cascini. Ils ne sont pas les seuls.

En octobre, le gouverneur a visité toutes les fonderies et en a fait fermer trois : des ouvriers congolais, en loques, y étaient payés au lance-pierre. En général, les Chinois forment l'encadrement, sauf dans la construction. « Nous faisons venir des ouvriers, car ils ont du savoir-faire, de la ponctualité et travaillent beaucoup », explique M. Lee. A Likasi, ces dernières années, des entrepreneurs chinois auraient fait travailler des prisonniers qui rentraient en Chine au bout d'un an, peine purgée. Rien d'étonnant que les entreprises chinoises remportent les appels d'offres sur leurs rivales occidentales, toujours 30 % plus chères !

En cinq ans, 140 Chinois se sont installés à Likasi. Ils forment la première communauté étrangère d'une ville qui ne compte que 7 ou 8 Français. Combien sont-ils dans tout le Katanga ? Deux ou trois milliers, peut-être. « Nous ne sommes pas comme les Français, nous n'avons pas de consulat », regrette M. Lee.

« Ces Chinois ne sont qu'une avant-garde », estime François Cascini. Congolais et Occidentaux s'inquiètent de la « déferlante » chinoise qui pourrait accompagner la mise en oeuvre des conventions signées en septembre entre Kinshasa et Pékin. La Chine a proposé au président Joseph Kabila d'investir 8,5 milliards de dollars (réfection des mines, construction d'hôpitaux, de 3 000 kilomètres d'autoroutes...) en contrepartie de la fourniture de minerais par le Congo. Le projet, non finalisé, suscite bien des inquiétudes.

Chez les Occidentaux, d'abord. Ils affirment que ce type d'accord ne peut que contrecarrer leur politique, qui vise à inciter le Congo à la bonne gouvernance. Ils craignent surtout l'installation massive de la troisième puissance du monde dans un pays qui peut lui assurer des matières premières pour son développement économique pendant un siècle ou deux. Début novembre, Joseph Kabila est allé à Washington. George Bush lui a fait part de ses craintes. « J'en prends note », a répondu le chef de l'Etat congolais. « Que m'offrez-vous en échange ? » a-t-il demandé au président américain. Il n'a pas eu de réponse.

Du côté chinois, rien n'est simple non plus. Manifestement, les Congolais ne répondent pas à leurs souhaits. Lancée dans une course effrénée aux matières premières qui l'a fait s'installer en Afrique depuis dix ans, la Chine arrive trop tard au Congo. « Tous les bons gisements de cuivre et de cobalt du Katanga ont déjà été attribués aux grandes sociétés occidentales et aux Congolais », affirme François Cascini. Sans avoir recommencé l'exploitation des gisements (attendus pour 2009/2010), les majors du secteur minier sont revenues au Katanga. Il ne reste plus que des mines moins riches en minerai. Les Chinois sont mécontents. Ils l'ont fait savoir au PDG de la Gécamines, le Canadien Paul Fortin, qu'ils ont reçu, fin novembre, à Pékin. Les négociations ont été difficiles. Les Congolais vont-ils « revisiter » les contrats antérieurs (c'est l'expression utilisée au Congo) en excipant de certaines irrégularités ? Ce serait le moyen de libérer des gisements pour les Chinois, craignent les sociétés anglo-saxonnes.

Faute de gisements, Pékin pourrait aussi obtenir la majorité dans la Gécamines (on parle de 68 %), devenant ainsi un partenaire de toutes les grandes sociétés occidentales qui sont obligatoirement en joint-venture avec l'ancienne entreprise d'Etat congolaise, seule propriétaire du sous-sol. Au Congo, la chasse au minerai de cuivre et de cobalt ne fait que commencer. La France en est absente.

Mireille Duteil
Le Point

Des salariés maliens illettrés, laissés sans formation, obtiennent gain de cause

Ils ont entre 54 et 62 ans et se disent que "c'est trop tard" pour apprendre à lire et à écrire. Commis de cuisine dans un hôtel 4 étoiles parisien, quatre salariés maliens illettrés ont passé de vingt-cinq à trente-trois années chez le même employeur, "sans jamais avoir reçu de formation", affirment-ils. Et maintenant, "nos cerveaux sont endormis, disent-ils. Commis de cuisine tu es embauché, commis de cuisine tu restes". Ce qu'ils veulent, c'est "des sous pour rattraper le retard", pour réparer leur absence d'évolution.

Soutenus par la CGT, ils ont porté l'affaire en justice. La Cour de cassation leur a donné raison dans son arrêt du 2 mars. Elle a condamné leur employeur, l'hôtel Concorde Lafayette, à Paris (groupe Louvre Hôtels), où ils travaillent toujours : "Le fait que les salariés n'avaient bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de leur emploi établit un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, entraînant pour les intéressés un préjudice", précise l'arrêt. La cour d'appel de Versailles devra fixer le montant des dommages et intérêts.

Dans cet arrêt, l'expression importante, c'est "occuper un emploi", souligne leur avocat, Cédric Uzan-Sarano : "L'entreprise ne peut pas se contenter d'avancer que le salarié est adapté à son poste de travail et qu'il n'est donc pas nécessaire de le former, explique-t-il. Cette situation ne la dispense pas de veiller à ce que le salarié puisse occuper un emploi, c'est-à-dire le sien ou un autre", plus qualifié, dans l'entreprise ou bien dans une autre. Cette obligation est inscrite dans l'article L. 6321-1 du code du travail. Lequel précise que l'employeur peut proposer, entre autres, des formations qui participent "à la lutte contre l'illettrisme".

Ils auraient pourtant bien voulu progresser, devenir cuisinier ou serveur. "On connaît tout le travail, on forme même les nouveaux cuisiniers, par exemple, à l'utilisation de la machine à couper les courgettes", souligne l'un de ces quatre salariés, Mallet Magassa, 56 ans, embauché en 1984. "On peut ouvrir jusqu'à 1 500 huîtres par jour à nous quatre, sans avoir été formés ni sans avoir le salaire qui va avec", ajoute-t-il. "Normalement, explique Moussa Kanouté, 62 ans, un garçon de cuisine est formé pour devenir ensuite cuisinier. Pas nous."

Pendant toutes ces années, ils ont pris leur service à 7 heures pour le finir à 15 heures. Entre-temps, ils auront rangé les marchandises livrées, épluché les légumes, nettoyé les frigos, balayé le sol, préparé parfois un millier de petits déjeuners, etc. "Ce qui nous a manqué pour évoluer, c'est la langue française", estime Mody Soumaré, 54 ans, le seul qui sait "un peu lire". Résidant en foyers depuis toujours, ils gagnent 1 200 euros net par mois, dont le tiers ou la moitié est envoyé à leurs familles restées au Mali.

Travailler plus tard

Quand la cour d'appel a été saisie, la direction - qui n'a pas souhaité répondre à nos questions - a "commencé à proposer des stages d'alphabétisation", indique Claude Lévy, délégué syndical central (DSC) CGT de Louvre Hôtels et défenseur des quatre salariés devant la cour d'appel de Paris, qui les avait déboutés. M. Magassa a suivi 50 heures de formation sur six mois, après le travail. Ce qu'il lui en reste ? Il sait dire son numéro de téléphone, peut épeler l'alphabet jusqu'à la lettre J... "J'aurais pu apprendre plus mais la formation s'est arrêtée", regrette-t-il. "Elle a cessé parce que les salariés ne pouvaient pas toujours y participer, explique Diarra Sissoko, DSC CGT de l'unité économique et sociale Louvre Hôtels. Quand il y avait un banquet, on leur demandait de rester travailler plus tard, même s'il y avait la formation."

Depuis deux ans, précise M. Sissoko, la direction propose des formations d'alphabétisation à temps plein. Cinq plongeurs y ont participé. "L'action judiciaire aura au moins servi à cela, se félicite M. Lévy. La direction prend enfin en compte les besoins en formation des moins qualifiés, ce que nous demandions depuis longtemps."

Francine Aizicovici

La Terre vue d'un ballon

Des images de la Terre obtenues à partir d'un simple appareil photo numérique et du ruban adhésif, l'affaire a intrigué la NASA. C'est ce qu'a réalisé un Britannique, Robert Harrison, âgé de 38 ans, qui avec un matériel qui lui est revenu à 550 euros environ a rapporté des images habituellement recueillies à partir d'une fusée ou d'un ballon météo – servant à recueillir des données météorologiques dans la haute atmosphère. Le ballon à hélium a été lancé à 35 kilomètres de la surface du globe, atteignant la stratosphère – une distance qu'un avion peut difficilement atteindre – et était équipé d'un parachute et d'un GPS, afin de permettre à son inventeur de retrouver sa trace.

Lors du lancement de son premier ballon, Icare, en octobre 2008, Robert Harrison avait atteint la distance de 1 600 km de la surface du globe. "La NASA en a entendu parler et a voulu savoir comment il était possible d'arriver à ce résultat en dépensant aussi peu", explique-t-il. "Les gens pensent que cela coûte des millions, mais c'est faux. Vous avez juste besoin d'un petit savoir-faire technique. Je ne connais rien en électronique et ce que je sais, je l'ai appris sur Internet. Mes amis et ma famille m'ont d'abord pris pour un doux dingue", sourit-il.

En savoir plus :

le blog d'Helen Carter dans le Guardian

Le Monde.fr

Le recul des forêts dans le monde ralentit grâce aux plans de reboisement de la Chine et de l'Inde

Bonne nouvelle, le rythme de la déforestation ralentit dans le monde. Mauvaise nouvelle, cette rupture par rapport au mouvement observé depuis plusieurs décennies s'explique pour l'essentiel par les plantations d'arbres à grande échelle auxquelles se livrent la Chine et l'Inde. Plantations dont la valeur écologique est loin de compenser celle des grandes forêts tropicales qui elles continuent de disparaître "à un rythme alarmant" dans certains pays, selon l'étude sur l'"Evaluation des ressources forestières mondiales" présentée, jeudi 25 mars, par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Au cours des années 2000, 13 millions d'hectares de forêts - soit la superficie de la Grèce - ont disparu en moyenne chaque année. Mais les nouvelles plantations et, dans certaines régions comme l'Europe, l'extension naturelle des forêts ont permis de ramener la perte nette d'espaces forestiers de 8,3 millions d'hectares par an au cours de la période 1990-2000 à 5,2 millions d'hectares par an au cours de la décennie suivante. Pour l'essentiel, la quête de nouvelles terres agricoles pour nourrir la population locale et l'extension des grandes exploitations à vocation exportatrice est à l'origine du recul des forêts. Le développement des biocarburants exerce une nouvelle pression.

Les forêts couvrent 31 % de la superficie totale des terres dans le monde, et cinq pays - Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, Russie - en possèdent plus de la moitié selon l'étude de la FAO qui constitue, à ce jour, l'évaluation la plus exhaustive. Sans être toutefois en mesure, compte tenu du manque de données dans de nombreux pays, de cerner avec précision l'ampleur de la déforestation. Les pays où la forêt disparaît le plus vite sont le Brésil, l'Indonésie mais aussi l'Australie en raison de la sécheresse et des incendies qui ont ravagé le pays au cours des dernières années. La FAO salue toutefois les efforts du Brésil qui s'est fixé pour objectif de réduire la déforestation de 80 % d'ici à 2020.

L'institution onusienne parie sur l'adoption du mécanisme dit de "déforestation évitée" dans le cadre des négociations climatiques internationales pour freiner le recul de la forêt. Ce mécanisme prévoit de récompenser financièrement les pays qui protégeront leurs forêts ou en accroîtront la superficie. La déforestation est à l'origine d'environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre, autant que tous les transports réunis.

Laurence Caramel

Le Viagra : La magie de la petite pilule bleu


Place à une rubrique qui va vous mettre en forme. Les hommes d'un certain âge ayant des problèmes d'impuissance utilisent de plus en plus la petite pilule bleue, et ce pour le plus grand bonheur de Zigonet. Cette rubrique vous propose de véritables perles insolites, preuve que le plaisir est bon à tout âge !

Ce n'est pas cet Italien qui nous contredira, puisqu'à 82 ans, sous l'effet du Viagra, il a effrayé sa femme, qui ne s'attendait pas à un tel résultat... Prise de panique, cette dernière n'a eu qu'un seul recours : appeler la police. La pilule magique serait-elle trop efficace ?C'est en tout cas ce que l'on peut constater dans les maisons closes japonaises. En effet, on dénombre de plus en plus de décès de personnes âgées durant les rapports, suite à la prise de Viagra. Loin de ces plaisirs charnels, le Viagra si célèbre, est même devenu une arme contre les Talibans. Dans un pays où règne la corruption, les agents de la CIA, n'échangent plus de l'argent mais du Viagra, contre des informations stratégiques. On se demande jusqu'où peut aller le vice.Avec Zigonet, pas besoin de Viagra, le plaisir est naturel.

Zigonet

L'OMS sous influence de l'industrie pharmaceutique

L'Organisation mondiale de la santé a-t-elle été manipulée par les grands laboratoires pharmaceutiques ? Depuis des mois, les conclusions d'un rapport consacré à la recherche sur les maladies négligées dans les pays en développement alimente les soupçons. Face à la menace d'un scandale, la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, a annoncé le 20 janvier qu'une enquête était en cours et que l'immunité diplomatique des membres du groupe d'experts chargé de rédiger le rapport, serait s'il le faut, levée. Mais deux mois plus tard, il est toujours impossible pour les médias d'obtenir le moindre détail sur l'affaire.

Contactée par Le Monde, la porte-parole de l'OMS, Fadela Chaïb répond que "le docteur Chan a promis qu'elle informerait les Etats membres des résultats de l'investigation lancée lors de l'Assemblée mondiale de la santé qui se tiendra du 17 au 21 mai 2010." Quant au rapport final qui devrait être prêt le 13 mai, juste avant l'Assemblée, personne ne sait encore ce que sera son contenu, ni si les propositions qui semblent déranger la Fédération internationale des fabricants de médicaments (l'IFPMA) y figureront.

Tout a commencé, le 8 décembre 2009. Alors que le monde entier avait les yeux rivés sur la pandémie de grippe A (H1N1), un rapport confidentiel de l'OMS consacré aux maladies des pauvres, ces "maladies négligées" dont les grands laboratoires pharmaceutiques se désintéressent faute de pouvoir en tirer des profits, était mis en ligne par Wikileaks, site spécialisé dans les documents sensibles.

Ce rapport, rédigé par un groupe d'experts de l'OMS, et fruit de sept ans de réflexions, devait proposer des solutions pour remédier à cette situation qui se traduit par des millions de morts dans les pays en développement chaque année. En annexe de ce rapport de 111 pages "fuitaient" aussi quatre documents dont un étonnant mail rédigé le 1er décembre 2009 par la IFPMA qui compte parmi ses membres les plus gros laboratoires de la planète.

On y apprenait que l'IFPMA avait pu consulter en primeur le brouillon du rapport, reçu de manière "confidentielle", et faire ses commentaires. Dans un texte de deux pages, le lobby pharmaceutique passe en revue les bons et les mauvais points. Il juge ainsi problématique la proposition du Brésil d'instaurer une taxe sur les profits des industries pharmaceutiques censée rapporter 160 millions de dollars (120 millions d'euros) par an.

L'IFPMA s'interroge également sur la solution d'une "communauté de brevets", lancée par Unitaid, l'initiative internationale visant à faciliter l'accès aux traitements contre le sida par des financements innovants. Ce système permet une gestion collective des droits de propriété intellectuelle afin de faire baisser le prix des médicaments.

A la lecture de ces "fuites", la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet avait rédigé un éditorial au vitriol accusant le lobby pharmaceutique de "saboter le travail du groupe de travail de l'OMS", et affirmait qu'on ne devrait plus lui permettre "de rançonner les pauvres du monde."

Les commentaires de l'IFPMA auraient pu en rester là, si ce travail de lobbying n'avait pas été suivi d'effets, quelques semaines plus tard. Le 18 janvier 2010, lors d'une réunion à Genève du Conseil exécutif de l'OMS qui compte 34 représentants de pays, un rapport de synthèse de 19 pages était remis aux participants, reprenant seulement une petite partie des conclusions du rapport qui était sorti sur Internet. Exit la fameuse idée brésilienne d'une taxe sur les bénéfices des industries pharmaceutiques, supplantée par des mesures de financement traditionnelles. Disparues la plupart des mesures innovantes qui s'attaquaient au système de propriété intellectuelle tel qu'il fonctionne aujourd'hui.

Depuis des années, les grands laboratoires pharmaceutiques expliquent que pour financer la recherche et le développement de nouvelles molécules, processus très coûteux, seul le système des brevets, qui permet de bénéficier pendant vingt ans d'un monopole sur un nouveau médicament, est optimal. Les partisans d'une rupture préconisent au contraire des mécanismes qui permettraient de séparer le problème des coûts de la recherche, de celui du prix des médicaments, et de réconcilier l'innovation et l'accès aux médicaments.

En découvrant ce rapport de synthèse épuré, certains experts de l'OMS sont sortis du bois. Dans un mail adressé le 16 janvier aux membres du Conseil exécutif, la sénatrice colombienne Cecilia Lopez Montano dit sa colère d'avoir été "utilisée pour légitimer un processus" auquel elle estime n'avoir pas pleinement participé comme la majorité de ses collègues experts. Elle raconte avoir assisté à deux réunions et avoir demandé que les questions liées à la propriété intellectuelle sur les médicaments soient discutées en priorité. "A ma surprise, j'ai constaté un grand empressement à éviter les discussions sur ces sujets", écrit-t-elle.

Pour les ONG, le choc a aussi été grand. Thiru Balasubramanian de Knowledge Ecology International (KEI) attend la suite des événements. Sans se faire d'illusions. "Quand la fuite a eu lieu, il était impossible d'étouffer le scandale" estime-t-il.

Agathe Duparc

Maladiés négligées

Des pathologies délaissées

Les maladies négligées menacent plus de 400 millions d'individus dans le monde.Sur les 1 556 nouveaux médicaments mis sur le marché entre 1975 et 2004, seuls 21 (1,3 %) ont été mis au point pour des maladies tropicales et la tuberculose, alors qu'elles représentent 11,4 % des maladies dans le monde.

Leishmaniose viscérale (LV)

Deuxième parasitose mortelle après le paludisme, elle fait 500 000 nouveaux cas par an et menace 200 millions de personnes dans 62 pays.
Maladie du sommeilMortelle sans traitement, cette maladie menace 50 millions de personnes dans 36 pays en développement.

Maladie de Chagas

Due à un parasite, elle sévit en Amérique latine : 8 millions de personnes sont infectées et 100 millions y sont exposées dans 21 pays.

Ulcère de BuruliIl

"fait partie des maladies tropicales les plus négligées, alors qu'il peut être traité", selon l'OMS.

Un groupe de travail international de 23 experts

Le groupe de travail chargé de rédiger le rapport sur le financement de la recherche-développement - en particulier sur les maladies négligées - est composé de 23 experts, auxquels s'ajoute Philippe Douste-Blazy, conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies sur le développement des financements innovants. Il a été créé en 2008 à la suite de travaux débutés en 2003. La version finale du rapport sera présentée en mai, à l'issue d'une consultation publique en ligne. Les Etats membres ont jusqu'au 5 avril pour présenter leurs remarques. Le rapport est consultable sur le site de l'OMS (www.who.int).

Grande-Bretagne : une femme tombe enceinte après avoir pris du Viagra


Grande-Bretagne - Une femme que les médecins pensaient infertile est tombée enceinte suite à un traitement médical basé sur la célèbre pilule bleue : le Viagra.

Kerry Horan, 34 ans, a subi trois inséminations artificielles qui ont toutes échouées, dont une fausse couche à 12 semaines. Suite à ces échecs, un scanner a révélé qu'elle était stérile. Le problème venait d'un flux de sang pas assez important pour permettre l'implantation réussie d'un embryon. Le docteur George Ndukwe a alors eu l'ingénieuse idée de lui prescrire du Viagra. Ce traitement extrêmement surveillé a provoqué un afflux sanguin important, ce qui a surpris la patiente. En effet, son visage est progressivement passé du rose au rouge vif, ce qui n'a pas été une expérience facile durant les 9 jours de traitement. Cependant, après ce traitement, les médecins ont estimé qu'il était alors possible d'implanter deux nouveaux embryons, et la jeune femme a appris qu'elle était enceinte deux semaines plus tard. La jeune mère explique aujourd'hui : "Quand nous avons vu les battements de coeur du bébé, nous ne pouvions nous arrêter de pleurer. J'ai finalement retenu de cette expérience que c'est la plus émotive de ma vie. Grâce au Viagra, je suis enfin mère !"

Zigonet

Les planificateurs du Kremlin rêvent de leur "Silicon Valley"


Le président russe Dmitri Medvedev à Volgograd, le 25 mars 2010.

Une ville du futur, un laboratoire des nouvelles technologies, va être édifiée dans la banlieue de Moscou, à Skolkovo, dès septembre 2010. Dévoilée récemment par le président Dmitri Medvedev, la création d'une "Silicon Valley russe" se précise. Mercredi 24 mars, l'oligarque Viktor Vekselberg, patron du groupe Renova et proche du premier ministre Vladimir Poutine, a été chargé de sa réalisation.

Skolkovo est située entre le Kremlin et la Roubliovskoe Chosse, où réside la classe huppée. Une Business school vient d'y être implantée. La "ville des innovations" doit accueillir des Prix Nobel et des start-up vouées aux priorités définies par le président Medvedev : économie d'énergie, nucléaire, espace, médecine, technologies de l'information.

"Si nous n'avons pas deux, trois ou quatre Nobel qui vivent et travaillent dans cette ville, c'est que nous aurons échoué", a déclaré Vladislav Sourkov, le chef adjoint de l'administration présidentielle. Pour y parvenir, les autorités russes devront assouplir la délivrance des permis de séjour et de travail aux étrangers. A l'heure actuelle, leur obtention requiert entre douze et vingt-trois mois de démarches administratives lourdes. Le ministère de l'économie s'est engagé à réduire le processus à un mois.

Le Service fédéral des migrations (FMS) va devoir innover. Il faudra bousculer les mentalités. Dans un de ses bureaux à Moscou trône encore le portrait de Félix Dzerjinski (1877- 1926), le fondateur de la Tchéka, l'ancêtre du KGB, la police politique soviétique qui a fait déporter dans les camps de travail forcé (goulags) jusqu'en 1953 tout ce que l'URSS comptait de têtes pensantes dans les domaines de la science et des arts.

A l'inverse de la Silicon Valley américaine, née de l'initiative de brillants cerveaux de l'université Stanford (Californie), la vallée russe est conçue au Kremlin. Le président Medvedev, fan de nouvelles technologies, mise sur une modernisation autoritaire.

L'intelligentsia s'interroge : la vallée sera-t-elle cette oasis de modernité capable de tirer la Russie vers le XXIe siècle ou bien ne sera-t-elle qu'"un monstre administratif de plus", comme le craint l'ancien champion d'échecs Garry Kasparov ?

Marie Jégo
Le Monde

vendredi 26 mars 2010

En Afrique, l'avenir des gorilles s'assombrit


D'ici une quinzaine d'années, les gorilles pourraient disparaître en Afrique.

Les gorilles pourraient avoir disparu d'ici une quinzaine d'années, si rien n'est fait pour les protéger du braconnage et du trafic illégal, et pour enrayer la dégradation de leur habitat, ont alerté, mercredi 24 mars, des experts du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), en rendant public un rapport réalisé avec Interpol, lors de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites). "Des informations récentes montrent que la situation est alarmante", affirme Ian Redmond, chef du programme de protection des grands singes au PNUE. L'animal, présent dans dix pays d'Afrique centrale, fait face à une conjugaison de menaces qui gagnent toutes du terrain.

La consommation de sa viande est en augmentation, encouragée par la croyance dans ses vertus curatives et fortifiantes. "Je peux comprendre, dit M. Redmond. Si j'avais grandi dans un village où le médecin me dit que pour guérir mon enfant, il faut frotter un doigt de singe sur ses blessures, je le ferais." L'espèce est aussi la proie de trafiquants internationaux, qui capturent les petits gorilles pour les vendre comme animaux de compagnie ou de collection. Quatre sur cinq meurent dans l'opération et deux adultes sont tués au moins à chaque capture. Les activités minières et l'exploitation forestière illégales constituent une autre grande menace, surtout en République démocratique du Congo (RDC). "Les concessions illégales s'étendent, détruisant la forêt qui est l'habitat des gorilles, affirme Christian Nelleman, du PNUE. Nous sommes concernés, car les ressources pillées sont vendues à des compagnies européennes ou asiatiques. Ces activités rapportent des centaines de millions de dollars par an."

Braconniers surarmés

Les mammifères sont en outre chassés pour nourrir les employés des mines. Les déplacements de population liés aux conflits armés aggravent la situation : les réfugiés chassent pour se nourrir, et brûlent les forêts pour produire du charbon de bois. Enfin, le virus Ebola menace les populations de gorilles, même au Congo-Brazzaville, où les animaux sont pourtant davantage protégés.

"Il ne s'agit pas de petits problèmes environnementaux, mais de crime organisé, affirme M. Nelleman. Mais Interpol, avec 1 million de dollars par an, n'a pas les moyens d'investiguer." La police et les douanes des pays concernés sont souvent défaillantes. Les agents des parcs nationaux ne sont pas assez nombreux et entraînés pour faire face à des braconniers surarmés. Dans le parc national de Virunga en RDC, près de 200 gardes ont été tués en quinze ans. Selon M. Nelleman, le mandat de la force de maintien de la paix sur place, la Monuc, devrait être étendu au contrôle des ressources naturelles.

Quelques expériences positives offrent tout de même des raisons d'espérer, selon M. Redmond. "Le programme de sauvegarde du gorille des montagnes, qui repose sur la coopération entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda, et le développement de l'écotourisme donnent des résultats, même fragiles", affirme-t-il.
Gaëlle Dupont
LE MONDE

Des entreprises américaines prennent leurs distances avec la Chine

Dans le sillage de Google, deux entreprises américaines du secteur des nouvelles technologies sont sur le point de prendre leurs distances avec la Chine. Godaddy, l'un des plus importants vendeurs de noms de domaine, a annoncé qu'il cesserait de proposer des noms de domaine en .cn, l'extension chinoise.

La décision de Godaddy n'est pas directement liée au conflit qui oppose Google et Pékin, mais aux nouvelles règles édictées par le gouvernement chinois pour la création de nouveaux sites. Dans le cadre de son programme de lutte contre la pornographie sur Internet, Pékin a en effet annoncé qu'il faudrait désormais faire physiquement la preuve de son identité pour enregistrer un site en .cn, en se présentant muni d'une pièce d'identité, et fournir une photo d'identité. Jusqu'ici, il était possible d'acheter un nom de domaine en déclarant en ligne son identité et en fournissant des coordonnées, comme c'est le cas pour la quasi-totalité des noms de domaine dans le monde. Pékin souhaite que ce contrôle soit rétroactif, c'est-à-dire que les propriétaires de noms de domaine déjà enregistrés fassent la preuve de leur identité.

"Notre décision n'a rien à voir avec celle de Google", a expliqué Christine Jones, conseillère juridique de l'entreprise, lors d'une audition devant une commission du Congrès américain. "Nous avons simplement décidé que nous ne souhaitions pas être des agents de l'Etat chinois", a-t-elle expliqué.

Le fabriquant d'ordinateurs américain Dell envisagerait lui aussi de mettre fin à une large partie de son activité en Chine, d'après des informations du Hindustani Times. D'après le journal, le premier ministre indien, Manmohan Singh, aurait été informé que le groupe souhaitait transférer ses activités de construction d'ordinateurs "dans un environnement plus sûr", à savoir l'Inde. L'information n'a pas été confirmée par Dell, qui a connu une très forte croissance sur le marché chinois ces dernières années et a conclu plusieurs partenariats avec des administrations et entreprises chinoises.

100.000 dollars tombent d'un camion, la foule se jette dessus

«Comme si on avait jeté de la nourriture à des piranhas» raconte un témoin.

Des habitants de l’Ohio (nord des Etats-Unis) se sont jetés comme des affamés sur la cargaison qui est tombée d’un camion dans la rue sans que son conducteur s’en aperçoive: un sac contenant 100.000 dollars en billets verts…

Le sac s’est ouvert après être tombé du fourgon blindé mercredi, ont rapporté plusieurs médias locaux. Immédiatement, une nuée de personnes s’est précipitée sur la manne (presque) tombée du ciel. «Les gens ont littéralement sauté de leurs véhicules. Comme si on avait jeté de la nourriture à des piranhas qui n’ont pas mangé depuis longtemps. C’était marrant», a déclaré un témoin à la chaîne NBC4 news.

Un autre témoin a raconté des scènes de liesse avec des passants affichant un large sourire alors qu’ils essayaient d’amasser le plus d’argent possible. «Des gens se jetaient sur les billets dont ils remplissaient leurs vestes et leurs poches aussi vite que possible».

Des employés d’un magasin de fleurs ont aidé la police à récupérer l’argent. D’autres personnes ont fini par rapporter une partie de la somme au commissariat de police le plus proche. Au final, seuls 10.500 dollars ont été récupérés à la fin de la journée, selon le journal Columbus Dispatch.
«Nous espérons que d’autres personnes vont avoir un comportement citoyen», a déclaré Randy Snider de la police locale au journal. La police s’intéresse d’ailleurs de près aux vidéos des caméras de surveillance et aux photos prises par les passants avec leur téléphones portables pour tenter de retrouver les personnes qui ont «volé» l’argent.

La police assure que les gens qui ne ramèneraient pas l’argent d’eux mêmes pourraient faire l’objet de poursuites.

«Quand vous trouvez de l’argent, surtout quand c’est un gros sac d’argent qui porte l’inscription “Garda Security” (société de transport de fonds, ndlr), il est clair que ce n’est pas le vôtre», a dit Randy Snider.

La police a eu moins de chance en 1987 quand plus d’un million de dollars étaient tombés d’un fourgon blindé à Columbus (toujours dans l’Ohio), a noté le journal. Même si plusieurs personnes avaient ramené l’argent, personne n’avait été arrêté et la majeure partie de la somme n’a jamais été récupérée.

(Source AFP)

samedi 20 mars 2010

Chine : la politique des deux enfants, un succès empirique

En Chine rurale, si le premier enfant est une fille, il est autorisé d'avoir un deuxième enfant.

Une expérimentation secrète, menée par le gouvernement dans le nord de la Chine pourrait bouleverser la conception de la famille dans le pays le plus peuplé du monde. Depuis vingt-cinq ans, Pékin a dérogé, sous condition d'une discrétion absolue, à la politique de l'enfant unique dans le district rural de Yicheng, dans la province du Shanxi, dans le nord-est du pays, rapporte le Times vendredi 19 mars.

La politique de l'enfant unique a été mise en application en 1979. Mais depuis 2002, les familles aisées peuvent s'offrir un deuxième enfant, moyennant paiement d'une contribution de 5 000 yuans (un peu moins de 550 euros).

RÉÉQUILIBRAGE DU SEXE-RATIO

L'expérimentation de Yicheng montre que, malgré la possibilité pour les familles d'avoir deux enfants, la population n'a augmenté que de 20,7 %, soit 5 points de moins que la moyenne nationale. Surtout, le sexe-ratio, soit le nombre d'hommes par rapport au nombre de femmes, qui est proche de 1,2 dans le pays, avoisine ici, avec 1,05, la moyenne mondiale. Un rééquilibrage lié à l'inutilité, dans cette situation, d'une exemption concernant les familles rurales, qui peuvent avoir un deuxième enfant si le premier n'est pas un garçon.

En conséquence, tout en attribuant une certaine utilité au contrôle autoritaire de la natalité mené dans le pays depuis trente ans, plusieurs scientifiques chinois cités par le Times se prononcent pour moins de rigueur dans son application. Cependant, pour mener cette expérimentation, des critères très stricts ont été mis en place : pas de mariage autorisé avant l'âge de 25 ans pour les garçons, 23 ans pour les filles (contre 22 et 20 ans dans le reste du pays), obligation de respecter un écart minimal de six années entre les deux enfants, forte incitation à la stérilisation après la deuxième naissance, etc.

"L'expérience est assez concluante : elle montre que même si les gens sont autorisés à avoir un deuxième enfant, il n'y aura pas d'explosion démographique", estime un responsable de la province dans un journal local. Des conclusions qui arrivent alors que les autorités s'inquiètent du manque à venir de population active, et qui ont même encouragé, dans certains villes comme Shanghaï où de nombreux jeunes couples ne veulent même plus avoir d'enfant, la multiparité.


Pour en savoir plus :
Lire la "Lettre de Chine : comprendre la politique de la natalité chinoise", de Didi Kristen Tatlow dans le New York Times

Lire l'article sur le Market Watch sur la désapplication généralisée de la politique de l'enfant unique

Lire la tribune de Bronwen Maddox dans le Times sur les méfaits engendrés par le contrôle autoritaire des naissances en Chine

Antoine Strobel-Dahan
Le Monde

Un monde sans interprètes ?


Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, au siège européen des Nations unies à Genève en avril 2008.

C'est une menace pour les institutions internationales qui tirent le signal d'alarme : une pénurie d'interprètes s'annonce pour les années qui viennent. "Environ 40 % des 600 fonctionnaires interprètes, toutes langues confondues, embauchés dans les années 1970 partiront à la retraite d'ici à dix ans", s'inquiète Marc Benedetti, directeur général de la DG interprétariat à la Commission européenne. La concurrence est devenue plus vive avec le privé, "qui recrute beaucoup de ces professionnels", ajoute Shaaban M. Shaaban, secrétaire général adjoint chargé de la gestion des conférences à l'ONU, pour qui l'ensemble des langues est touché.

Les Nations unies emploient 230 interprètes dans six langues (anglais, français, arabe, chinois, espagnol et russe). La moitié d'entre eux travaillent au siège à New York, l'autre moitié se répartissent entre les sites de Genève, Vienne et Nairobi. La Commission européenne prévoit de recruter 200 interprètes de conférence de langue française au cours des dix prochaines années.
Et la tendance est la même pour les langues de plusieurs pays de l'Union comme l'italien, l'allemand, le néerlandais et surtout l'anglais, qui connaît la pénurie la plus grave. D'ores et déjà, Bruxelles doit faire appel à "200 à 300 interprètes free-lance par jour pour assurer 50 à 60 conférences", dans les 23 langues officielles des 27 Etats membres.

Les écoles, comme les institutions, vont devoir apprendre à séduire, car la profession attire peu, ou pas assez. L'idée selon laquelle l'interprétariat est devenu inutile dans un monde où tout le monde parle - ou doit parler - anglais, a peut-être détourné les jeunes de cette voie...
N'y accède pas non plus qui veut : 30 % seulement des étudiants réussissent les concours d'admission des grandes institutions internationales telles que les Nation unies. "Nous manquons de candidats de qualité", indique Marie Mériaud-Brischoux, directrice générale de l'Institut supérieur d'interprétation et de traduction (ISIT).

A chacun sa méthode pour attirer les candidats. Bruxelles a choisi de s'adresser aux jeunes, via YouTube et Facebook. L'ONU a signé, début mars, des mémorandums avec 16 écoles dans le monde, dont quatre forment des interprètes de langue française - l'ISIT, l'Ecole supérieure d'interprètes et de traducteurs à Paris, mais aussi les écoles d'interprétariat de Genève en Suisse et de Mons en Belgique. Le dispositif devrait permettre à leurs étudiants de mieux se préparer aux concours de recrutement du personnel linguistique de l'ONU.

Brigitte Perucca
Le Monde

La pharmacie, une industrie sous perfusion



Le secteur est protégé par un texte dont la reconduction est à l’étude, ravivant la guerre entre producteurs locaux et importateurs.



Depuis septembre dernier, producteurs et importateurs de médicaments génériques se regardent en chiens de faïence en République démocratique du Congo. Et pour cause. L’arrêté ministériel du 7 septembre 2006 qui interdisait l’importation de 21 médicaments génériques au profit de leur production locale est arrivé à échéance. Une commission mixte, mise en place au sein du ministère de la Santé, doit trancher sur la reconduction ou non du dispositif protectionniste. En attendant, un bras de fer oppose importateurs et industriels locaux.

Les enjeux sont de taille. D’une part, les 21 médicaments essentiels interdits d’importation depuis 2006 – des antibiotiques, des antipaludéens, des antiparasitaires, des analgésiques, des anti-inflammatoires, des antianémiques, des antiallergiques, des antipyrétiques et des vitamines – sont les plus consommés dans le pays. D’où la lutte acharnée entre les protagonistes pour dominer ce marché de 60 millions de consommateurs. D’autre part, le texte, destiné à éviter « la totale dépendance de la RD Congo vis-à-vis de l’extérieur en matière de médicaments », a globale­ment joué son rôle protecteur. La RDC est le seul pays d’Afrique centrale à disposer d’une industrie pharmaceutique, le Cameroun venant tout juste de se lancer dans la production de génériques, rappelle Amir Surani, le président du Comité professionnel des industries pharmaceutiques, membre de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). « Nous alimentons le marché local et exportons même en Angola et au Congo-Brazzaville », assure-t-il.

Cette industrie compte une quinzaine d’entreprises, en majorité d’origine étrangère, notamment asiatique, qui fabriquent principalement des génériques pour 80 % du marché. La plupart des sites de production sont installés à Kinshasa. Promed est le plus ancien laboratoire pharmaceutique du pays. Il a été créé en 1984 par un Belge installé en RD Congo depuis 1976, qui fut le leader des importateurs de médicaments dans les années 1970 et 1980. C’est du rachat d’une usine de Warner Lambert, dont il était client, qu’est née l’entreprise spécialisée dans le haut de gamme (sirops, comprimés et suppositoires) et la fabrication de flacons médicaux. Parmi les principaux producteurs figurent aussi Phatkin, l’un des rares congolais, avec Pharmagros, à intervenir dans le secteur. L’entreprise, qui compte une unité à Kinshasa et une à Lubumbashi, fabrique 150 produits, dont les 21 encore protégés. Le secteur compte également Zenufa, New Cesamex, Biopharco.


Inde, chine, Corée du Sud

La plupart de ces entreprises importent les matières premières nécessaires à la fabrication des génériques depuis l’Europe (d’Allemagne notamment), mais surtout d’Inde, de Chine et de Corée du Sud. Toutes n’ont pas le même niveau de performance. De petites structures créées par des Indo-Pakistanais ou des Chinois opèrent sans grand souci de qualité. Du coup, seule une poignée de sociétés, dont Phatkin et Zenufa, est habilitée à répondre, aux côtés de grandes firmes internationales, aux appels d’offres lancés par des bailleurs de fonds pour approvisionner les centrales d’achat et, partant, les hôpitaux.


Eux aussi concentrés à Kinshasa, les importateurs et les grossistes les plus connus, membres de la FEC, sont l’indien Shalina, très implanté en Afrique, Prince Pharma, Getraco, Sofaco, Euraf, Enaph, Unique Pharma, Maison verte et Wagenia. La plupart sont d’origine asiatique et se fournissent en Inde et en Chine. Quelques-uns, comme Pharmans, sont liés à des firmes européennes. La majorité des importateurs sont aussi grossistes, alors que cette activité doit revenir aux Congolais. Mais la loi n’est pas respectée. « Il y a beaucoup d’étrangers dans la distribution », confirme le gérant de Patriote, l’un des plus gros dépôts pharmaceutiques du pays. De plus, certains producteurs sont aussi distributeurs, ce qui est illégal. On s’arrange en plaçant un membre de la famille à la tête du dépôt. Ces unités sont basées pour la plupart à Kinshasa, dans la rue Bacongo, à la Gombe.


Qualité douteuse


Comme l’industrie pharmaceutique, la filière importation échappe au contrôle de qualité. D’où la prolifération de médicaments importés de qualité douteuse. « L’Inde, premier producteur et exportateur de médicaments génériques au monde, est de plus en plus strict en matière de contrôle de qualité. Ce n’est pas le cas de la Chine. Il peut toutefois arriver que des produits interdits de vente en Inde soient exportés directement vers nos marchés, peu contrôlés, ou que des médicaments fabriqués en Chine portent des codes indiens », assure un opérateur. Ces médicaments bon marché importés d’Asie et ceux étiquetés ONG, qui bénéficient d’exonérations douanières mais approvisionnent néanmoins le marché privé, concurrencent fortement l’industrie locale. Les producteurs fustigent tout particulièrement le dumping pratiqué en Inde. Et dénoncent la corruption chez les importateurs, qui s’arrangent pour ne pas payer de droits de douane, ou qui bafouent l’arrêté de 2006.

Face à cette concurrence déloyale, les producteurs se sont mis d’accord pour fixer, dans certains cas, un prix inférieur à celui des médicaments importés et à leurs coûts de production. « On casse les prix sur l’Amoxine [un anti-infectieux, NDLR] par exemple et on se rattrape sur d’autres produits », explique un industriel.

Qu’adviendra-t-il si l’arrêté est supprimé ? Pour les producteurs, qui souhaitent son maintien voire son extension à 35 produits, ce sera la catastrophe. « Nous fermerons nos usines pour devenir importateurs. Nous devrons licencier du personnel, qui aura du mal à se recaser, notamment les pharmaciens. Ce qui est aberrant dans un pays durement frappé par le chômage. Pourtant, nous avons beaucoup investi ces dernières années pour nous mettre aux normes, et nous ne produisons qu’à 30 % de nos capacités. Nous avons donc encore de la marge », insiste un opérateur.

De leur côté, les importateurs prétendent que la production locale est loin de répondre aux besoins du marché. Ce qu’aucune statistique ne confirme. Ils réclament aussi une baisse de la taxation frappant leurs produits et « encaissée par l’État sur le dos du malade ». Quel que soit le verdict de la commission mixte, la filière pharmaceutique congolaise aura besoin d’un bon toilettage.

Jeune Afrique

Par Muriel Devey, envoyée spéciale à Kinsha

mardi 16 mars 2010

L'ONU s'inquiète de l'impact des JO de Sotchi sur l'environnement

La maquette du village olympique de Sotchi, la ville russe désignée pour accueillir les Jeux olympiques d'hiver en 2014.


L'ONU a critiqué la Russie dans un rapport paru mardi pour sa lenteur à mettre en œuvre des décisions destinées à protéger l'environnement dans la région de Sotchi, où doivent se dérouler les Jeux olympiques d'hiver en 2014. Une mission des Nations unies s'est rendue fin janvier dans les montagnes caucasiennes où se déroulent les travaux de construction des sites olympiques, selon le communiqué.

L'ONU souligne que cette mission a été dépêchée à la fois en réponse aux vives critiques des ONG et à l'invitation des autorités russes et du comité olympique de Sotchi. La mission regrette que "la mise en œuvre de décisions prises au niveau politique, afin de réduire et de compenser l'impact des projets olympiques et touristiques, prenne trop de temps". Elle cite en exemple "l'agrandissement du parc national de Sotchi ; le renforcement du niveau de protection des zones les plus fragiles (...) ; l'installation de nouvelles zones protégées, en particulier le long de la côte de la mer Noire". Le rapport juge toutefois que les responsables du projet se sont montrés "très ouverts aux discussions".

Le rapport note aussi que certains écologistes ont l'impression que leurs remarques sont ignorées, tandis que les responsables des sites déclarent avoir l'impression que "certaines ONG n'ont pas d'autre intérêt que de faire stopper l'ensemble du projet olympique". La mission invite par conséquent "les deux parties à améliorer leur coopération". L'antenne russe de l'ONG World Wide Fund (WWF) s'est félicitée dans un communiqué des conclusions de l'ONU, jugées proches de celles des écologistes, mais a souligné que la bonne volonté des organisateurs des JO ne suffisait pas.

"Certains problèmes ne peuvent être réglés qu'au niveau du Premier ministre et du Congrès fédéral [Douma et Conseil de la Fédération] car ce sont eux qui proposent les changements législatifs", souligne-t-elle. Sotchi avait emporté en 2007 l'organisation des JO suite à un engagement très marqué du président d'alors, Vladimir Poutine. Mais un parfum de scandale flotte depuis sur la région en raison des polémiques sur le retard pris par les chantiers, sur l'environnement, sur les expulsions d'habitants ou sur le non-règlement des salaires de centaines d'employés des chantiers.

lundi 15 mars 2010

Après 53 ans: ne plus devenir père!


Il existe un âge raisonnable pour se reproduire. Chez les hommes aussi.

Hasard ou fatalité? Après la ménopause les femmes ne peuvent plus donner la vie; les hommes, eux, peuvent être pères de la puberté à leur mort. Du moins en théorie. L'affaire est connue. Que faut-il en penser? Simple évidence biologique propre à toutes les espèces de mammifères? Insupportable inégalité, comme les féministes les plus radicales le pensent?

Que nous disent, ici, la biologie et la médecine? Depuis plus d'une décennie les féministes extrémistes peuvent nourrir quelques espérances. Quelques praticiens de l'assistance médicale à la procréation (AMP) se sont autorisés à franchir la barrière physiologique. Ils permettent à des femmes en âge d'être grand-mères de (re)devenir mère. Et ils le font savoir. C'est notamment le cas du Dr Severino Antinori, gynécologue-obstétricien romain; sulfureuse réputation et large clientèle.

Hommes et femmes ne sont pas égaux

Côté mâle, des spécialistes continuent à mener l'enquête: existe-t-il un équivalent de la ménopause? Pour l'heure, c'est une entité bien diffuse d'ores et déjà baptisé andropause. Féministes ou pas, il faut ici savoir raison garder: des inégalités physiologiques majeures existent bel et bien entre les deux sexes. Chez l'homme, avec l'âge, la production des hormones sexuelles tend certes à plus ou moins diminuer avec, corollaire, celle du nombre et de la qualité des spermatozoïdes; Viagra ou pas. Pour autant ce phénomène n'est en rien comparable à ce qui se passe immanquablement chez la femme où (toujours du fait de la décrue hormonale) la fonction ovarienne (et la production d'ovocyte) s'interrompt de manière irréversible; généralement entre 50 et 60 ans.

Jadis, c'est-à-dire bien avant l'émergence des courants féministes et le développement des techniques de l'AMP, personne ne trouvait à redire à tout cela. La situation était ce qu'elle était: «naturelle», nullement «déséquilibrée». Il n'en va plus de même aujourd'hui: les perspectives ouvertes par ces techniques suscitent un embarras certain tant chez le législateur que chez les professionnels.

Résumons: il est possible de conserver (durant des années et des décennies) des embryons conçus par fécondation in vitro mais aussi des spermatozoïdes et même des ovocytes. Pourquoi, dès lors, ne pas permettre à des femmes fécondes qui le souhaitent d'accoucher après la ménopause? Il suffit, pour cela, d'un peu d'imagination: reconstituer en leur sein un climat hormonal propice à la gestation. Pourtant, à la différence du Dr Antinori, la plupart des spécialistes de l'AMP se refusent à de telles pratiques. Le respect d'une physiologie séculaire et la crainte des risques obstétricaux alors encourus par la femme et l'enfant à naître.

Quid de «l'âge de procréer»?

En France, la question ne se pose guère. Elle est tranchée par un texte officiel: depuis 1994, le dispositif législatif de bioéthique prévoit que les techniques de traitement de la stérilité ne peuvent être mises en œuvre que chez des «couples» et qui plus est dans un cadre très précis: «L'homme et la femme formant un couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins 2 ans.» L'AMP ne peut d'autre part avoir que deux objectifs: traiter l'infertilité (masculine ou féminine, mais médicalement établie) de ce couple ou prévenir le risque de transmission d'une maladie particulièrement grave. Pas d'AMP, donc, pour convenance personnelle. Pas d'AMP pour les couples homosexuels et les célibataires.

Certes, mais quid de «l'âge de procréer»? Le législateur n'en dit pas plus, ne renvoie à aucun décret, à aucune circulaire. Comprenne qui pourra. Il semble que ce même législateur s'en remet de facto à un solide bon sens assez largement partagé: ne pas permettre aux femmes de plus de 55 ou 60 ans ayant recours à l'AMP de devenir mère. Mais aussi laisser les hommes pouvoir user des libertés que leur confère la biologie de notre espèce? Ainsi donc rien, en France, n'interdit à un couple «hypofertile» constitué d'une femme de vingt ans et d'un homme quatre fois plus âgé qu'elle d'avoir accès à ces techniques de reproduction artificielle (par ailleurs totalement prises en charge par la collectivité).

Interdire ce que permet la biologie?

Rien ne l'interdit, mais en pratique? Un récent questionnaire adressé à 600 spécialistes (gynécologues et biologistes de la reproduction) français a révélé que près de 90% des praticiens souhaitent bien une limite à la prise en charge de la femme en infertilité (avec une limite moyenne de «42-58 ans»). Mais, et c'est une surprise de taille, 80% des praticiens français seraient désormais favorables à une limite d'âge pour l'homme; et cet âge limite moyen est de 53,19 ans. D'ailleurs le bilan d'application de la loi de bioéthique fait état d'un âge limite moyen de 60 ans dans la majorité des centres d'AMP. Tout s'est donc passé comme si les spécialistes avaient pris conscience de leurs responsabilités dans ce domaine et avaient, de leur propre chef pris la liberté d'interpréter la loi. De quel droit? Pourquoi interdire à un homme de plus de 60 ans ayant recours à l'AMP (et qui, une fois sur deux n'est pas stérile) ce que la biologie lui permettrait par ailleurs?

De ce point de vue, il est intéressant d'analyser les arguments invoqués contre les paternités tardives; arguments qui dépassent bien évidemment le cadre du traitement de la stérilité pour concerner tous les hommes souhaitant donner la vie à l'âge de la retraite. Ces arguments viennent d'être résumés par le Dr Joëlle Belaisch-Allart (service de gynécologie et médecine de la reproduction, centre hospitalier des 4 Villes, site de Sèvres) dans le dernier numéro de la Revue du Praticien Médecine Générale.

«Si de nombreux articles sont consacrés aux effets délétères du désir tardif d'enfant chez la femme et à ses conséquences néfastes sur leur fécondité, leur santé ou celle de l'enfant, beaucoup plus rares sont ceux consacrés aux conséquences des paternités tardives, volontiers considérées comme normales, observe le Dr Belaisch-Allart. Certes, la physiologie masculine diffère totalement de celle de la femme, mais est-il si anodin d'être père à l'âge d'être grand-père? Des articles commencent à paraître, des sessions a être organisées lors des congrès sur l'effet néfaste de l'âge de l'homme sur sa fertilité et sur sa descendance

Des malformations

Elle précise ainsi qu'une étude des Centres d'étude et de conservation du sperme publiée en 1997 (et passée inaperçue) a montré que le taux de malformation (trisomie 21 en particulier) était plus importante lorsque l'âge du donneur de sperme était supérieur à 45 ans. Ces données confirmées en 2005 avec une étude qui fait état d'une augmentation des trisomies 21 dès l'âge de 35 ans avec un risque multiplié par de 3,2 si l'homme a plus de 50 ans. D'autres publications ont depuis confirmé l'effet délétère de l'âge paternel. La fécondité spontanée de l'homme chute avec l'âge dans la majorité des études récentes avec déclin de la production spermatique et altération des caractéristiques du sperme chez l'homme âgé.

«Des chercheurs ont aussi démontré que le risque de conception au-delà de 12 mois est multiplié par 2,9 lorsque l'homme était âgé de plus de 40 ans quand sa compagne avait entre 35 et 39 ans, ajoute le Dr Belaisch-Allart. D'autres études ont aussi montré que l'âge de l'homme avait également un effet néfaste sur les taux de succès (et de fausses couches) après inséminations intra-utérines

Comment «tuer» le père trop âgé?

Et la biologie n'est pas la seule à la barre. Il faut aussi compter avec la psychiatrie. En résumé, entre les pères tardifs et leurs enfants, tout va bien au départ; tout se gâte ensuite. C'est que les pères «tardifs», leur «carrière accomplie», consacrent généralement nettement plus de temps à leur enfant que les jeunes pères trop occupés. Et les enfants de ces pères tardifs défendent leur géniteur. Mais la position de ces enfants devenus adolescents est plus difficile: le père vieillissant est un père vulnérable devant être protégé.

Habituellement, les adolescents cherchent à se différencier de leurs parents tout en comptant sur eux, la «désidéalisation» parentale est d'autant plus facile que les parents sont solides ce qui n'est pas le cas des pères vieillissants. «La relation avec les pères de 70 ans et plus serait marquée par la honte et la gêne vis-à-vis de leur entourage, ces adolescents évitant de montrer leur pères, souligne encore le Dr Belaisch-Allart. Ils auraient à la fois des idées méchantes vis-à-vis de ce père âgé et un sentiment de culpabilité, les filles surtout éprouvent ce sentiment de culpabilité et de surprotection. Ces sentiments font entrave à l'agressivité naturelle des adolescents qui se retourne donc contre eux-même: plus de tentatives de suicides et de troubles du comportement alimentaire seraient observés. Autre réaction décrite, surtout chez les garçons, la fuite pour éviter l'affrontement, la sexualité de ces adolescents serait plus active avec souvent des partenaires plus âgés (de l'âge que leur père devrait avoir).»

Et ce n'est pas tout. Les paternités tardives ont aussi des conséquences familiales: sur les enfants précédents qui supportent souvent mal cette deuxième famille de leur père, surtout s'ils sont alors adolescents entrant alors dans une impossible rivalité avec leur père. D'où une contestation majeure et des troubles du comportement. Pour finir, avec les paternités tardives, il n'y a très vite plus de grand-parents, et ce au moment où les enfants en ont le plus besoin, à l'adolescence.

«Faut-il une limite d'âge masculine à la prise en charge en infertilité, s'interroge le Dr Belaisch-Allart. Il n'y a pas de bonne réponse à cette question. Sans aller vers une généralisation abusive (ni être suspecte de féminisme primitif...), on peut retenir que s'il y a un âge biologique et social pour être mère, certains des arguments sont également valables contre les paternités tardives. Il y a probablement aussi un âge pour être père

Jean-Yves Nau
Journaliste et docteur en médecine, Jean-Yves Nau a été en charge des questions de médecine, de biologie et de bioéthique au Monde pendant 30 ans. Il est notamment le co-auteur de «Bioéthique, Avis de tempête».
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