L'ancien numéro un du
FBI admet avoir contribué à la défaite d'Hillary Clinton. Il est désormais l'un
des plus virulents critiques de Trump. Confessions.
De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière
Publié le 18/04/2018 à 13:41 | Le Point.fr
Son
héros littéraire est Atticus Finch, l'avocat droit et honnête du célèbre roman
d'Harper Lee Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur qui défend un Noir
injustement accusé. Son maître à penser Reinhold Niebuhr, un théologien
protestant, dont les réflexions ont notamment influencé Barack
Obama. Depuis des années, James Comey, l'ex-patron du FBI, peaufine
son image, celle d'un homme humble, intègre, défenseur de la vérité.
Mais
la publication de son livre A Higher Loyalty : Truth, Lies, and
Leadership (Mensonges et vérités pour l'édition française) et la
série d'interviews qu'il vient de donner pour l'occasion risquent de ternir son
image de parangon de rectitude morale. Lui qui s'est toujours efforcé de rester
au-dessus de la mêlée politique, qualifie désormais Trump de président « moralement
inapte » et assimile son comportement à celui des patrons de la
mafia. « Le cercle silencieux d'assentiment. Le boss qui contrôle tout. Le
serment de loyauté. La mentalité eux contre nous. Les mensonges
constants, petits et gros, au service d'un quelconque code de loyauté qui met
l'organisation au-dessus de la moralité et de la vérité », écrit-il.
Plus
étonnant, il attaque également Donald Trump sur son apparence. « Sa cravate
était trop longue, comme toujours. De près, il avait l'air légèrement orange
avec de petites demi-lunes sous les yeux qui venaient, j'imagine, des lunettes
du bronzage artificiel. » On croirait entendre Trump lui-même !
« Le fait que l'ex-directeur du FBI ait l'air mesquin et tout sauf bien
intentionné diminue l'impact de sa critique », estime dans le New York
Times Michael Steel, un consultant républicain.
Les contradictions
« La
transparence est presque toujours la meilleure des méthodes », écrit James
Comey, qui semble néanmoins ne pas toujours s'appliquer ce principe. Alors
qu'il était le numéro deux du ministère de la Justice sous l'administration
Bush, il se présente comme anti-torture, mais a tout de même cautionné un
document qui listait des méthodes d'interrogatoire musclées, dont la simulation
de noyade. « Alors que nos voix intérieures criaient que c'était une chose
terrible, que l'efficacité était bien exagérée, ces voix devaient rester
enfermées en nous », se justifie-t-il, assurant qu'il ne pouvait pas
faire grand-chose, car la CIA ne le tenait pas au courant.
Il
raconte également comment il a tout fait pour s'opposer à un programme de
surveillance de l'Agence de sécurité nationale (NSA) qu'il jugeait illégal. Un
programme qui n'était qu'un des nombreux systèmes de surveillance de la NSA
sous les présidents Bush et Obama. James Comey fait aussi un certain nombre
d'omissions dans son livre. Andrew McCabe, son adjoint au FBI, est à peine
mentionné, alors qu'il joue un rôle central. L'enquête en cours sur
l'ingérence russe dans les élections est pour sa part soigneusement
évitée.
L'aveu
Mais
c'est surtout son explication sur sa gestion très critiquée de l'affaire des e-mails d'Hillary Clinton
qui ne convainc guère. Le FBI avait ouvert une enquête après l'utilisation
par la candidate démocrate d'un serveur privé pour ses
communications. En juillet 2016, James Comey convoque une conférence de presse
et déclare qu'il n'y aura pas de poursuites judiciaires, mais qualifie le
comportement de l'ancienne secrétaire d'État « d'extrêmement
négligent ». On pense l'histoire réglée. Pourtant, Comey annonce
le 28 octobre qu'il rouvre l'enquête parce que d'autres e-mails ont
été trouvés sur l'ordinateur du mari de sa plus proche conseillère. Évidemment,
l'annonce fait l'effet d'une bombe à onze jours des élections. Juste avant le
scrutin, le FBI déclare qu'il n'y a rien de confidentiel défense dans les
courriers et clôt l'enquête. Mais les pro-Clinton sont persuadés que ça leur a
coûté l'élection.
Dans
son livre, James Comey explique : soit il rendait publique la nouvelle
enquête et risquait de favoriser Donald Trump, soit il ne pipait mot, mais,
dans ce cas, si Hillary Clinton était élue, « qu'est-ce qui
allait arriver au FBI, au ministère de la Justice ou à sa propre présidence si
on découvrait, plus tard, qu'elle était toujours l'objet d'une enquête du
FBI ? » Mais le plus étonnant reste l'aveu de Comey, qui reconnaît
qu'il pensait qu'Hillary Clinton allait gagner et qu'« il est entièrement
possible » qu'il ait décidé de révéler l'existence d'une nouvelle
enquête 11 jours avant le scrutin parce qu'il était inquiet. S'il ne
le faisait pas, cela ferait d'elle « un président illégitime ». Est-ce
qu'il aurait agi différemment si Donald Trump avait été en tête des
sondages ? « Je ne sais pas », répond-il, tout en espérant que
son action n'a pas été « un facteur décisif dans l'élection ».
Il
n'explique cependant pas vraiment pourquoi le FBI n'a pas mentionné qu'il
enquêtait également depuis l'été sur une éventuelle collusion entre l'équipe de
Trump et Moscou. Un fait que l'électeur aurait sans doute aimé connaître.
L'avenir
Selon
l'ancien patron du FBI, ce livre doit lancer un débat sur l'éthique politique
et mettre en garde les Américains contre le « feu de forêt » que
constitue cette présidence, qui est en train de causer de sérieux dommages aux
institutions du pays. Celui qui se clame au-dessus des querelles politiciennes
« semble extrêmement préoccupé par la manière dont ses actions seraient
perçues politiquement », remarque sur Twitter
le politologue Nate Silver. …
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