Pour la première fois depuis près de 60 ans,
l'île ne sera plus dirigée par un Castro, la présidence étant officiellement
cédée à Miguel Díaz-Canel.
Source AFP
Publié le
19/04/2018 à 07:01 | Le Point.fr
Ce jeudi marquera l'histoire de Cuba puisque, pour la première fois depuis près de six décennies, l'île ne sera plus dirigée par un Castro, Raúl cédant officiellement la présidence à son dauphin désigné Miguel Díaz-Canel. La nomination du numéro deux du régime, âgé de 57 ans, a été soumise au scrutin de l'Assemblée mercredi, mais son issue ne fait aucun doute. Vers 9 heures locales (13 heures GMT), Miguel Díaz-Canel doit être confirmé comme nouveau président du Conseil d'État et des ministres par les députés. Au moment de l'annonce de sa candidature unique mercredi, l'héritier aux cheveux gris et son prédécesseur de 86 ans se sont donné une franche accolade aux airs d'adoubement, confirmant ce que beaucoup anticipaient depuis plusieurs mois. Spectaculairement nommé premier vice-président en 2013 après avoir gravi dans l'ombre les échelons du pouvoir cubain, ce pur produit du parti unique, au regard perçant mais au profil plutôt discret, s'est peu à peu imposé aux côtés de Raúl Castro.
Apôtre du
développement d'Internet et d'une presse plus critique sur l'île, il a su se
donner une image de modernité, tout en demeurant économe en déclarations. Mais
il sait aussi se montrer intransigeant vis-à-vis de la dissidence ou de
diplomates trop enclins à critiquer le régime. Le président sortant l'a préparé
à assumer les plus hautes fonctions, l'envoyant représenter son gouvernement à
l'étranger tandis que les médias d'État lui accordaient de plus en plus
d'espace. Chargé de conduire une transition historique pour un mandat
renouvelable de cinq ans, il sera le premier dirigeant cubain à n'avoir pas
connu la révolution de 1959 et devra se forger une légitimité. Hasard
du calendrier, il doit fêter ses 58 ans vendredi.
« Un test pour ses capacités politiques »
« Il
est assez difficile d'évaluer la capacité de Díaz-Canel de remplir les
fonctions de président. (...) Il vient du système, mais c'est la rigidité du
système qui constitue le plus grand obstacle pour avancer », note Michael
Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain à Washington.
Ses débuts « constitueront un test pour ses capacités politiques, et il
peut s'attendre à des résistances », affirme l'expert. La fratrie Castro a
écrit une histoire unique de coopération au sommet, parvenant à résister
pendant près de soixante ans à l'adversité de la super-puissance américaine et
à l'effondrement du partenaire soviétique, aux conséquences dramatiques pour
l'île. Après avoir succédé, en 2006, à son frère
Fidel, décédé fin 2016,
Raúl Castro a engagé une série de réformes autrefois impensables, comme
l'ouverture de l'économie au petit entrepreneuriat privé, et a surtout
orchestré un rapprochement spectaculaire avec les États-Unis.
Mais, de
l'avis des observateurs, les réformes ont été trop timides pour relancer une
économie encore largement dépendante des importations et du soutien de son
allié vénézuélien en plein déclin. Pour aider son successeur à éviter les
embûches, mais aussi probablement pour le maintenir sous contrôle, le cadet des
Castro doit conserver ses fonctions de secrétaire général du puissant Parti
communiste de Cuba (PCC) jusqu'en 2021, l'année de ses 90 ans.
Vieille garde
Le futur
numéro deux du régime, Salvador Valdés Mesa, vieux routier de la politique
cubaine de 72 ans, pourra aussi lui prêter main-forte pour apaiser
les résistances de la vieille garde révolutionnaire, soucieuse de ne pas
sacrifier l'héritage socialiste sur l'autel des réformes. Deux militaires
« historiques », Ramon Machado Ventura (87 ans) et Alvaro Lopez Miera
(76 ans), vont quitter le Conseil d'État, mais d'autres « anciens »
ont été maintenus au sein de l'organe exécutif suprême, qui comptera au
total 13 nouveaux membres sur 31. La nomination des membres du
conseil des ministres devrait intervenir dans les prochains jours, mais
beaucoup d'observateurs estiment déjà que la nouvelle configuration du pouvoir
cubain sera moins centralisée. Miguel Díaz-Canel « adoptera peut-être un
style de direction plus institutionnel et bureaucratique que charismatique et
personnel, comme ce fut le cas avec Fidel, puis un peu différemment avec
Raúl », avance Jorge Duany, directeur de l'Institut des recherches
cubaines de l'université de Floride.
Le nouveau
président, qui devra maintenir l'équilibre entre la réforme et le respect des
principes essentiels du castrisme, devra d'emblée s'atteler à poursuivre
l'« actualisation » d'une économie encore étatisée à 80 %. Parmi
les chantiers à mener figure en tête la suppression de la double monnaie, un
système unique au monde qui, aux yeux des experts, provoque des distorsions
dans un modèle économique obsolète et entravé depuis 1962 par
l'embargo américain. Sur le plan diplomatique, le futur chef de l'exécutif
cubain sera aussi confronté à un antagonisme renouvelé avec l'éternel
« ennemi » américain, le président républicain Donald
Trump ayant imposé depuis un an un sérieux coup de frein au
rapprochement engagé fin 2014.
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