mardi 23 février 2010

L'Afrique de l'Ouest résiste à la récession et aux crises


L'Union économique et monétaire ouest-africaine, qui fédère huit pays, connaîtra une croissance de 4 % en 2010.

Réunis à Bamako au Mali samedi 20 février, les chefs d'Etat et de gouvernement des huit pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) avaient le moral. Et ce malgré le coup d'Etat de l'avant-veille au Niger et les turbulences préélectorales ivoiriennes qui ont empêché Mamadou Tandja et Laurent Gbagbo, les présidents de ces deux pays, de se joindre aux dirigeants des six autres pays de l'Union : le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le Sénégal et le Togo.

Certes, la crise mondiale a affecté ce marché commun de 80 millions d'habitants. Comme l'a déclaré José Mario Vaz, ministre des finances de Guinée-Bissau et président du conseil des ministres de l'Uemoa, en 2009, "le taux de croissance de l'Union a enregistré une décélération pour s'établir autour de 3 % contre 3,8 % en 2008". "Le ralentissement a été particulièrement sensible avec la persistance des difficultés de certaines filières agricoles, notamment le coton", a ajouté M. Vaz.

C'est toutefois plus que le médiocre 1 % réalisé par l'ensemble de l'Afrique subsaharienne en 2009. L'Union s'attend même à rebondir en 2010 à 4 % et ses réserves atteignent le niveau appréciable de six mois d'importations.

Ces bons résultats - relatifs car la famine menace au Burkina Faso et au Niger - s'expliquent par une récolte vivrière exceptionnelle, en augmentation de 19,7 % durant la campagne 2008-2009, qui a permis de regarnir les greniers. Ils sont dus aussi au douloureux assainissement des comptes publics de la décennie 1990 qui permet aux "Huit" de supporter la crise : avec un endettement public compris entre 43 % et 45 % du produit intérieur brut (PIB), ceux-ci respectent l'objectif de 70 % fixé par l'Union.

Enfin, ils ont baissé leurs impôts et maintenu leurs investissements dans les infrastructures ou dans l'agriculture afin d'amortir la contraction de la demande étrangère, mais cela met à mal leurs budgets et les empêche de payer leurs fournisseurs.

Au niveau communautaire, le conseil des ministres a donc mobilisé, fin octobre 2009, 700 milliards de francs CFA (1 milliard d'euros) pour commencer à apurer les 1 400 milliards de francs CFA (2,1 milliards d'euros) d'arriérés, avec le concours de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et le renfort des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI).

L'intégration des économies de l'Uemoa progresse comme en témoignent des échanges intra-communautaires passés de 12 % des échanges totaux en 2005 à 15,5 % aujourd'hui. Mais elle demeure laborieuse. En effet, la crise a multiplié les tentations protectionnistes. Ainsi, le Sénégal a bloqué les importations d'huile de palme ivoirienne et le Mali a restreint les importations de blé en provenance du Sénégal. Dans les deux cas, il s'agissait de protéger une production nationale.
Les tensions politiques ont des conséquences lourdes sur les programmes communautaires.

Ainsi, les Etats-Unis refusent-ils de financer des voies ferrées en Côte d'Ivoire en raison de l'absence d'élections, ce qui a pour conséquence de retarder l'interconnexion des réseaux sénégalais, maliens, burkinabés et ivoiriens, essentielle pour réduire les coûts d'acheminement des marchandises vers les pays du Sahel.

"Ces péripéties politiques nous tirent vers le bas, c'est vrai, juge Soumaïla Cisse, président de la Commission de l'Uemoa. Mais je note que, malgré ses difficultés, la Côte d'Ivoire, principale économie de l'Union, continue à payer ses cotisations et à appliquer les décisions communes, et que l'Uemoa jouit d'une croissance toujours positive qui résiste aux chocs." Cette résistance pourrait séduire d'autres pays : une réflexion est en cours en Guinée sur les possibilités d'une adhésion.

Les difficultés de transposition des décisions communautaires dans les législations nationales sont comparables à celles rencontrées par l'Union européenne, mais elles sont très pénalisantes, comme en témoignent les lenteurs de la mise en place du visa unique créé en 2009 et qui permettra à un ressortissant étranger de circuler dans les huit pays membres avec un visa délivré par l'une des ambassades de ceux-ci.

M. Cisse pense qu'il sera remédié à ce manque de diligence des ministères concernés lorsque sera institué un vrai Parlement ouest-africain, enfin légitime pour voter le budget comme les directives de l'Union et dont la première pierre du futur siège a été posée, le 20 février, à Bamako.

"Actuellement, siège un simple comité interparlementaire composé de cinq députés par pays, explique-t-il. Le futur Parlement serait, lui, élu par pays sur la base du nombre de ses habitants, mais pas question de suffrage universel comme pour le Parlement européen de Strasbourg, car cela nous coûterait trop cher. La Commission pourrait proposer un collège électoral composé des maires de chacun de nos pays." L'Uemoa a beaucoup pris exemple sur l'Union européenne. Il lui faut désormais inventer une voie qui lui soit propre.

Alain Faujas
LE MONDE

Rwanda : un attentat, deux raisons d'Etat

Rares sont les secrets d'Etat aussi bien gardés que celui entourant l'attentat mortel du 6 avril 1994 contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana. Plus de quinze ans après le tir de missiles qui a abattu son Falcon 50, aucun tribunal n'en a jugé les auteurs. Nombreuses sont en revanche les données politiques et diplomatiques qui, le temps aidant, laissent craindre que l'affaire ne soit jamais éclaircie.

Car l'explosion de cet avion au-dessus de Kigali, en donnant le signal du génocide, a pris une portée historique. L'événement met en cause le mécanisme qui, cent jours durant, a conduit à la mort 800 000 Rwandais, essentiellement tutsi. Il renvoie à l'impuissance de la communauté internationale à stopper le massacre. Or cet échec a généré un sentiment de culpabilité peu propice à la recherche de la vérité. Seule la justice française, compétente du fait de la nationalité française des pilotes morts dans l'attentat, a ouvert une instruction, en 1998, sur plainte des familles. Une situation paradoxale puisque la France, qui soutenait militairement le régime hutu du président assassiné, n'était pas la mieux placée pour juger de faits où elle se trouve mise en cause.

Après huit années d'enquête, le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière ne s'est pas contenté, en novembre 2006, de désigner un coupable en la personne de Paul Kagamé, chef des rebelles tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) et actuel président, et d'émettre neuf mandats d'arrêt visant ses proches. Le magistrat a accusé M. Kagamé d'avoir sciemment déclenché le génocide pour justifier sa conquête du pouvoir. Une analyse qualifiée de "révisionniste" par le régime de Kigali qui, sur-le-champ, a rompu ses relations diplomatiques avec Paris.

Trois ans après cette crise, l'enquête, désormais entre les mains du juge parisien Marc Trévidic, a connu des rebondissements qui éloignent la menace judiciaire pesant sur le régime rwandais. Celui-ci a donc accepté de renouer avec la France. Nicolas Sarkozy, qui rencontrera M. Kagamé à Kigali, jeudi 25 février, sera le premier président français à se rendre au Rwanda depuis le génocide, avec la volonté de "tourner la page".

Depuis son élection, le président de la République s'est ainsi engagé dans une "diplomatie de la réconciliation" avec le Rwanda, à laquelle font obstacle les mandats d'arrêt visant l'entourage de M. Kagamé. Afin d'obtenir leur levée, le Rwanda, conseillé par Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères, est entré en 2008 dans la procédure judiciaire française. En novembre 2008, l'arrestation de l'une des personnalités visées, Rose Kabuye, chef du protocole de M. Kagamé, a permis à Kigali de prendre connaissance du dossier et de bâtir sa défense.

Renversement spectaculaire

La mise en examen de Mme Kabuye par M. Trévidic a eu pour conséquence de lever le mandat d'arrêt qui entravait ses voyages. L'appel du parquet, lié à l'exécutif, a permis sa remise en liberté. Ce geste a été perçu à Kigali comme manifestant la bonne volonté de l'Elysée. En parallèle, la multiplication des demandes d'investigations nouvelles par les avocats du Rwanda a rendu impossible le renvoi immédiat devant une cour d'assises.

épisode a illustré le renversement spectaculaire des pressions politiques sur le dossier : alors que les gouvernements précédents avaient appuyé M. Bruguière dans son enquête contre M. Kagamé, à la satisfaction des milieux militaires français qui, à Kigali en 1994, épaulaient l'autre camp, l'exécutif actuel pousse en sens diamétralement opposé. Mais la personnalité du juge Trévidic, fer de lance de l'opposition au projet de M. Sarkozy visant à supprimer le juge d'instruction et dont l'indépendance est reconnue dans d'autres dossiers, fait taire les critiques. Le magistrat, épaulé par sa collègue Nathalie Poux, pourrait bientôt réentendre les témoins qui se sont rétractés dans la presse. Il se rendrait ensuite à Kigali pour procéder à une reconstitution du crash. La "vérité", établie par le juge Jean-Louis Bruguière, serait ébranlée si les débris de l'appareil venaient à "parler" ou si la preuve d'une manipulation était rapportée.

L'examen approfondi de telles hypothèses exige des délais peu compatibles avec le calendrier des politiques qui, eux, visent la levée rapide des mandats d'arrêt. A moins que la réforme de la procédure pénale française ne vienne torpiller une enquête décidément trop dérangeante.

La vérité sur le crash de 1994 risque-t-elle d'être sacrifiée à la diplomatie, à la raison d'Etat ? Le Monde, ayant eu accès à l'essentiel des pièces du dossier, tant côté français que rwandais, dresse l'état des connaissances sur cette affaire toujours brûlante.

Philippe Bernard

Nicolas Sarkozy : l'aïeul du Président a dû batailler pour devenir français



C'est l'histoire, somme toute banale, d'une famille... moins banale, puisque c'est celle de Nicolas Sarkozy. Le Nouvel Observateur a retrouvé des documents relatifs au dossier de naturalisation du grand-père maternel de Nicolas Sarkozy.

Originaire de Salonique, Aron Benedict Mallah arrive en France en 1905: il a 14 ans et vient étudier. Il sert comme médecin militaire sous le drapeau tricolore pendant la première guerre mondiale et demande la nationalité française en 1924. Sauf que le préfet de police de l'époque ajourne cette demande, avec les «motivations» suivantes, révélées dans un document exhumé par Le Nouvel Obs: "Bien que les renseignements recueillis sur M. Mallah ne soient pas défavorables, j'estime qu'en l'absence de titres sérieux à la faveur sollicitée, il convient d'ajourner l'examen de sa demande et celle de sa femme" - sa femme, Adèle Bouvier, avait perdu sa nationalité en devenant M. Mallah et demandé sa «réintégration dans la nationalité française»!


L'hebdo explique le refus de la préfecture par la volonté de l'époque, de choisir les immigrés en fonction de leur profession....A l'heure où Nicolas Sarkozy vient d'effectuer, par la voix de son ministre Eric Besson, un grand débat sur l'identité nationale, l'information fera rigoler en coin ceux qui le trouvent hors de propos. Dans les pages de l'hebdo du jeudi qui fait sa couverture sur «La vraie histoire de la famille Sarkozy», Andrée, la maman du Président, raconte aussi que lorsqu'elle a souhaité épouser Pal Sarkozy, son père, le même Benedict, donc, devenu français sur décision du ministère de la Justice, aurait préféré que ce fils d'une «bonne famille hongroise» devienne également citoyen du pays des droits de l'homme. Mais pour l'immigré fuyant le stalinisme, c'était faire une croix sur l'idée de rentrer un jour sur la terre de ses ancêtres. Ce n'est qu'en 1975 que Pal Sarkozy a finalement adopté la nationalité française, car tous ses enfants étaient français.

Gala.fr © Prisma Presse

Obama relance la lutte contre l’industrie du tabac



Le gouvernement reproche aux industriels d’avoir minimisé la nocivité des cigarettes.


L’Administration du président américain a réouvert un procédure contre les géants du tabac datant de l’ère Clinton. L’objectif est d’annuler une décision de justice qui prive le gouvernement de près de 300 milliards de dollars de taxe.

Les industriels du tabac auraient préféré que cette affaire ne remonte pas à la surface. Mais l’Administration de Barack Obama en a décidé autrement. Le président américain, associé à plusieurs organisations de défense de la santé, a saisi vendredi la Cour suprême américaine dans le cadre d’une procédure ouverte sous la présidence de Bill Clinton dans les années 1990. Le gouvernement veut casser des jugements l’empêchant de ponctionner 280 milliards de dollars (205 milliards d’euros) sur les profits passés des compagnies de tabac. A cette somme s’ajoute 14 milliards de dollars (10,3 milliards d’euros) pour une campagne nationale contre la cigarette.


Au banc des accusés figurent les grands groupes de tabac du pays: le premier producteur américain, Philip Morris, sa société mère Altria, plus connue pour ses marques Marlboro et Reynolds Tobacco. British American Tobacco Investments et Lorillard Tobacco sont aussi dans la ligne de mire. «Au cours des cinquante dernières années, ces accusés se sont livrés à des activités de racket et se sont engagés dans un complot qui ont coûté la vie et nuit à la santé de millions et de millions d’Américains», explique Elena Kagan, première avocate de l’Administration auprès de la Cour suprême.


Riposte

Les grands groupes de tabac préparent leurs ripostes. Première étape: faire annuler une décision de justice datant de 2006. A cette date, le juge Gladys Kessler avait officiellement accusé les sociétés du tabac d’avoir trompé l’opinion publique en niant les conséquences de la cigarette sur la santé, en dissimulant les éléments prouvant que la nicotine entraînait une addiction, et en mentant sur leur manipulation de la nicotine pour rendre les cigarettes addictives. Une décision confirmée ensuite par une cour d’appel fédérale de Washington. Philip Morris et Reynolds Tobacco ont déjà déposé des appels séparés mais liés pour obtenir des annulations.


Les avocats de Philip Morris jugent notamment «peu solide» la décision de la Cour d’appel fédérale selon laquelle l’industrie du tabac avait sciemment trompé les fumeurs en s’entendant pour labelliser des cigarettes «légères» alors qu’elles étaient aussi nocives pour la santé. Selon le groupe, toute décision qui juge frauduleuses leurs déclarations sur la nature des cigarettes nient leur droit à participer à un débat de santé publique. «Tant que ces déclarations sont vraies ou ont été faites de bonne foi, elles tombent clairement sous le coup du Premier amendement, qui garantit une protection constitutionnelle dans les débats sur des questions publiques», selon Philip Morris.

Les groupes estiment également que le gouvernement a utilisé de façon injustifiée la Rico Law ou Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Law, une loi contre le racket utilisée d’ordinaire contre la Mafia et autre organisation criminelle.

«Taper là où ça fait mal»


Pour les associations de lutte contre le tabagisme, la réouverture de cette procédure est une avancée. Depuis la France, l’Alliance contre le tabac s’en réjoui. «L’industrie a beaucoup de défaut dont celui, principal, de mentir. C’est leur business. Cette fois, ils sont attaqués pour leurs mensonge, c’est là que c’est intéressant», explique Yves Martinet, professeur de pneumologie et président de l’association. Pour lui, ces industriels «riches» qui «manipulent les politiques» doivent payer. Et la stratégie de l’Administration Obama est la bonne: «il faut les attaquer là où ça fait mal, c’est-à-dire les profits. Si cela avait été une amende de 10.000 dollars, ils auraient rigolé au nez de l’Administration. Il faut prélever de grosses sommes», tranche le médecin.

Pour Rob Cunningham, avocat et analyste canadien spécialiste du sujet, ces sommes devraient être réutilisées intégralement pour «corriger les dégâts» fait par les industries du tabac: «ce n’est pas juste une question de financement, c’est une question de justice. Les industries sont responsables de milliers de morts. Elles doivent financer les mesures d’aides médicales.», explique-t-il. «Un accord, en vigueur depuis 1998 impose déjà aux industriels de verser 246 milliards de dollars sur une période de 25 ans à 50 Etats des Etats-Unis pour les frais médicaux. J’espère que cet argent, si le gouvernement gagne, sera utilisé pour cela aussi».


Pour autant, une décision de justice favorable au gouvernement américain ne devrait pas entraîner de gros changements dans le milieu. «Il y a eu plusieurs rebondissements dans cette affaire. Cela fait 10 ans que ça dure», tempère une analyste du secteur. Selon elle, pas d’inquiétude non plus à avoir de ce côté de l’Atlantique. «A priori, les groupes européens ne seront pas exposés», conclut-elle. «Mais ces jugements affectent déjà la réputation des industriels», prévient Rob Cunningham

Gazzane, Hayat JDF

Fantasme ambulant, Shakira est aussi une femme engagée. Est-ce la star au déhanché sulfureux, ou l’ambassadrice de bonne volonté que le président amér


Investie d’une mission par l’UNICEF, la caliente Shakira s’est rendue lundi au 1600, Pennsylvania Avenue. Car non contente de faire se trémousser la planète sur des rythmes endiablés, la belle interprète est aussi soucieuse du destin des chérubins.

Et si le spirituel dalaï-lama n’a pas eu le droit de pénétrer le Bureau Ovale, la torride Libano-colombienne, a pu poser son illustre fessier sur les cuirs de l’office présidentiel.
De passage à Washington où elle a participé au lancement par la Banque mondiale d'un fonds (doté de 300 millions de dollars) destiné à aider la jeunesse d'Amérique du Sud, l'artiste a profité d'un rendez-vous avec des responsables de l'administration pour rencontrer, en privé, Barack Obama.

Un privilège et une intimité avec le chef de l’exécutif que seuls Oprah Winfrey, Brad Pitt et George Clooney avaient partagés. Après cette entrevue, Shakira a brillé au Hard Rock Café de Washington où elle a révélé T-shirts et bracelets qu’elle a spécialement dessinés pour subventionner sa fondation Pies Descalzos.

Shakira, Angelina: même combat!

Chemise ouverte sur une poitrine parfaite, slim noir moulant jusqu’à l’indécence, regard provocateur et crinière au vent, la bouillante Shakira enflamme les cœurs et les pistes de danse.Oui, cette bombe à la plastique explosive réalise des prouesses physiques dont les connotations sexuelles suscitent la controverse. Shakira est bien la «Dancing Queen». Tour à tour frénétique, lorsqu’elle enchaîne les mouvements compulsifs, puis langoureuse, lorsque, allongée sur le sol, elle hisse son bassin comme possédée par le désir…Si dans ses derniers clips ses mouvements erratiques créent la polémique, cette féministe convaincue explique que ce sont ses hanches qui parlent. «Hips Don't Lie», («Les hanches ne mentent pas»), chantait-elle déjà dans son tube de 2006…

En couple depuis dix ans avec le banquier Antonio de la Rua, la demoiselle se serait rapprochée depuis quelques semaines du tennisman ibère, Rafael Nadal. Pourtant, ce n'est pas cette histoire de balle qui justifie son refus d'épouser son compagnon. C’est parce que cette beauté latine ne veut voir «ni son mariage, ni son éventuel divorce à la Une des tabloïds» qu’elle renonce à se faire passer la bague au doigt.

Et si à 33 ans, Shakira crie au loup et dénigre la presse à scandale, elle entend aussi l'appel de la maternité. «C'est comme si mon corps demandait à se reproduire, à avoir un gros ventre et à porter des bébés», révélait récemment la blonde callipyge au magazine Rolling Stone. Vedette de l’humanitaire et future mère nourricière, donc.

Justine Boivin

Le bilan du séisme du 12 janvier pourrait atteindre 300 000 morts selon le président haïtien

"Vous avez vu les images, vous avez pu vous rendre compte de la situation. Plus de 200 000 cadavres ont été récupérés dans les rues, sans compter ceux qui se trouvent toujours sous les décombres", a déclaré René Préval.


Le président haïtien René Préval estime dimanche que le bilan du séisme qui a frappé son pays le 12 janvier pourrait s'établir à 300 000 morts. "Vous avez vu les images, vous avez pu vous rendre compte de la situation. Plus de 200 000 cadavres ont été récupérés dans les rues, sans compter ceux qui se trouvent toujours sous les décombres", a déclaré Préval lors d'une réunion des dirigeants des pays d'Amérique latine et des Caraïbes au Mexique. "Nous pourrions atteindre le nombre de 300 000 morts." La question de la reconstruction d'Haïti sera le principal sujet abordé lors du sommet régional qui se déroule près de la station balnéaire de Playa del Carmen.

Si ce nombre était confirmé, le tremblement de terre qui a frappé Haïti pourrait être la catastrophe naturelle la plus meurtrière de l'histoire moderne. Le tsunami qui avait touché l'océan Indien en 2004 avait fait plus de 200 000 morts. Les dégâts provoqués par le séisme de magnitude 7 sur l'échelle de Richter sont évalués à 14 milliards de dollars, selon une estimation de la Banque interaméricaine de développement.Le séisme a détruit plus de 250 000 habitations et laissé 1,5 million de personnes sans abri à Port-au-Prince. Préval a précisé que l'urgence concernait la mise en place d'abris d'urgence. Les organisations humanitaires présentes sur le terrain s'inquiètent de l'absence de sanitaires et d'eau potable qui pourrait se traduire par l'apparition d'épidémies, alors que la saison des pluies est attendue pour le mois de mars.

"Les premières précipitations qui ont commencé à s'abattre sur Port-au-Prince rendent impossible une vie décente et c'est pour cela que nous avons besoin d'abris", a déclaré Préval. "Plutôt que des travaux de reconstruction, nous devons travailler à une refondation du pays en ne nous concentrant pas seulement sur la capitale", a ajouté Préval. Le président haïtien a appelé les pays latino-américains à investir dans l'industrie afin d'aider son pays à s'affranchir de sa dépendance à l'aide internationale.

Près de 900 000 Haïtiens attendent toujours les tentes promises par la communauté internationale et le gouvernement a fait de l'acheminement d'abris provisoires une priorité, a déclaré samedi le président Préval. "Nous accordons la plus haute priorité" à la recherche des moyens de "permettre le plus rapidement possible aux familles de s'abriter dans des conditions décentes", a-t-il souligné, expliquant qu'une autre des principales priorités du pays était de rouvrir les écoles.


Le Brésil promet le premier très grand "barrage vert"


La déforestation à l'oeuvre près du chantier du futur barrage Belo Monte sur la rivière Xingu, un affluent de l'Amazone, en février 2005.

Ce sera, promet-on à Brasilia, le premier barrage géant écologiquement irréprochable. Le gouvernement brésilien a donné son feu vert, début février, à la construction du complexe hydroélectrique de Belo Monte, sur la rivière Xingu, dans l'Etat amazonien du Para. Les militants du développement durable dénoncent ce projet et les tribus indiennes riveraines menacent d'y faire obstacle.

L'aval gouvernemental marque l'épilogue d'une longue histoire. Le projet remonte au milieu des années 1970. Il prévoit initialement la mise en service de six usines. En 1989, les indigènes, soutenus alors, comme aujourd'hui, par le chanteur anglais Sting, mènent une campagne mondiale qui oblige l'Etat à battre en retraite.

L'image, cette année-là, du cacique Tuira brandissant un couteau au visage d'un ingénieur nourrira la légende de la "résistance" indienne au programme hydroélectrique. Une scène semblable se reproduira en 2008, lorsque le coordonnateur du projet, venu s'expliquer devant les Indiens, sera poignardé au bras.

Entre-temps, le projet a été rebaptisé et modifié en tenant compte de nouvelles contraintes environnementales et des craintes de la population. Il ne comporte plus qu'une usine. La surface des terres inondées sera réduite de 1 200 km2 à 516 km2. Avec ses 29 turbines, le complexe comprendra deux barrages et un lac de retenue reliés par deux canaux de dérivation des eaux du Xingu. La centrale sera "au fil de l'eau", réduisant ainsi l'impact environnemental.

Les Indiens hostiles

Avec 11 200 mégawatts en puissance installée, Belo Monte sera le troisième plus grand barrage du monde, après celui des Trois Gorges, en Chine (18 000 MW) et celui d'Itaipu, exploité en commun par le Brésil et le Paraguay (14 000 MW). Il possédera 11 % de la capacité de production du Brésil. L'usine entrera en service en 2015. L'Etat fédéral évalue le coût du projet à 11 milliards de dollars (8 milliards d'euros). L'appel d'offres sera lancé en avril. Deux consortiums brésiliens sont déjà en lice. Soucieux d'ouvrir plus amplement la concurrence, le gouvernement incite un troisième industriel, le groupe GDF Suez, à se joindre à la course.


Le vainqueur, quel qu'il soit - et c'est l'essentiel -, devra s'engager par avance à honorer un strict cahier des charges assorti de "quarante contraintes environnementales et socio-économiques". Faute de quoi, le projet ne pourrait être mis en oeuvre. Le ministre de l'environnement, Carlos Minc, évalue à 800 millions de dollars (587 millions d'euros) le montant de ces "compensations" : "C'est, dit-il, la licence environnementale la plus exigeante de l'Histoire."

Il s'agira, notamment, de créer deux zones de préservation des terres indigènes et de financer un réseau d'assainissement public, et d'un programme de construction d'écoles et de dispensaires. "Toutes ces exigences sont réalisables, même si certaines sont lourdes", observe Roberto Massias, chef de l'agence gouvernementale pour l'environnement (Ibama). Le projet affectera 12 000 familles rurales, dont beaucoup seront déplacées et à qui on promet de meilleures conditions de vie. "Mais, assure M. Minc, pas un Indien ne devra quitter sa terre."

Les promoteurs du projet arguent qu'il générera 18 000 emplois directs et 80 000 emplois indirects dans une région qui se plaint d'être économiquement délaissée, et qu'il fera tomber, chaque année, des dizaines de millions de dollars dans l'escarcelle de l'Etat de Para et de la ville la plus proche, Altamira. Les militants écologistes restent sceptiques, et les Indiens hostiles. Ils déplorent que l'étude environnementale n'ait pas levé leurs doutes. Ils soulignent que le creusement des deux canaux de dérivation entraînera des excavations équivalentes aux travaux du canal de Panama.

Ils évoquent les risques d'émission de gaz méthane, les menaces sur la forêt, sur le cours du fleuve et sur la pêche traditionnelle, et les désordres liés à l'arrivée prévisible de 100 000 nouveaux habitants. "Ce sera le chaos", prédit l'évêque de Xingu, Erwin Kräutler. Les Indiens accusent la Funai, la fondation fédérale qui défend leurs intérêts, de "trahison", car elle a donné son accord au projet. Plusieurs associations ont déclenché des actions en justice contre l'Etat.

Belo Monte est crucial, rétorquent les partisans du barrage, pour assurer l'autosuffisance du Brésil en électricité. D'ici à 2017, le pays aura besoin chaque année de produire 4 000 MW supplémentaires pour soutenir une croissance économique autour de 5 %. L'hydroélectricité, qui assure 85 % de la fourniture d'énergie au Brésil, est "propre et renouvelable", mettent-ils avant. 65 % du potentiel hydroélectrique est en Amazonie. "Il serait insensé de renoncer à une telle ressource", dit Mauricio Tolmasquim, président de l'entreprise publique de recherches énergétiques.

Jean-Pierre Langellier
LE MONDE

Les déchets électroniques, une montagne insurmontable ?

Un dépôt d'ordinateurs usagés dans la ville chinoise de Guiyu, en 2006.

A Guiyu, en Chine, plus de 100 000 ouvriers, sous-payés et travaillant dans des conditions sanitaires déplorables, s'attellent régulièrement au recyclage de produits électroniques, selon des organisations non gouvernementales. Cette ville du Sud-Est chinois est-elle condamnée à rester le symbole des travers de la "pollution high-tech" ? Ça se pourrait. Un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), publié lundi 22 février, indique que les quantités de déchets électroniques devraient encore fortement augmenter durant les dix prochaines années.

Ordinateurs, téléphones portables, téléviseurs ou même réfrigérateurs en fin de vie... La nouvelle étude, qui porte sur onze pays, dont la Chine, l'Inde et le Brésil, rappelle que la croissance mondiale des e-déchets s'élève à 40 millions de tonnes par an. Dans une précédente étude réalisée en 2005, l'organe onusien évaluait déjà cette croissance entre 20 et 50 millions de tonnes par an.

"Tous les cinq à huit ans, les stocks d'ordinateurs personnels sont remplacés, ce qui les transforme aussitôt en e-déchets", note le rapport. Avec un milliard de terminaux mobiles vendus en 2007, contre 896 millions en 2006, les équipements électroniques d'aujourd'hui constituent donc les déchets de demain.

"LA CHINE, DÉCHARGE DES PAYS DÉVELOPPÉS"

"Malgré une interdiction des importations de déchets électroniques, la Chine demeure la décharge des pays développés", souligne aussi le document. Mais désormais, le pays doit aussi faire face à la demande intérieure. A elle seule, la Chine produit déjà environ 2,3 millions de tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) par an, uniquement devancée par les Etats-Unis, qui en produisent 3 millions.

Le phénomène devrait aussi se poursuivre durant les dix prochaines années dans les pays étudiés par le PNUE. En 2020, la quantité de déchets électroniques liés aux seuls ordinateurs hors d'usage devrait bondir de 500 % en Inde, entre 200 et 400 % en Afrique du Sud ou en Chine, par rapport au niveau de 2007. En Chine, les déchets liés aux terminaux mobiles seront par ailleurs 7 fois plus nombreux qu'en 2007, et 18 fois plus nombreux en Inde. Le nombre de déchets liés aux téléviseurs ou aux réfrigérateurs devraient aussi doubler en dix ans en Inde et en Chine.

UNE "E-OPPORTUNITÉ" ?

Cette augmentation pose d'abord des problèmes environnementaux et de santé publique. Les équipements électroniques actuels renferment en effet jusqu'à 60 composants différents, dont de l'or, de l'argent ou du platine. "La plupart des e-déchets chinois sont brûlés par des recycleurs dans des arrière-cours, afin de recueillir des métaux précieux comme comme l'or", note le rapport, qui préconise l'instauration d'une véritable filière de recyclage, moins nocive et plus efficace.

L'organe onusien pointe aussi les effets néfastes des déchets électroniques sur les émissions de gaz à effet de serre. Les émissions liées à l'extraction des matériaux nécessaires pour les produits électroniques représenteraient 23 millions de tonnes, soit 0,1 % des émissions mondiales de CO2. Ces chiffres n'incluent pas les émissions liées à l'assemblage des appareils.

Les responsables du PNUE se veulent toutefois optimistes. "Promouvoir le recyclage dans les pays en voie de développement peut engendrer des emplois décents" ou encore "réduire les gaz à effet de serre." De nombreux pays peuvent transformer un "e-defi", en "e-opportunité", soulignent-ils. Mais parmi les pays étudiés, tous ne sont pas égaux : "Le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Maroc et l'Afrique du Sud ont le plus grand potentiel pour établir des technologies de pointe en matière de recyclage", précise le rapport.

Laurent Checola
LEMONDE.FR
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Répartition des déchets électroniques

Chine : réfrigérateurs : 500 000 tonnes, téléviseurs : 1,3 million de tonnes, ordinateurs personnels : 300 000 tonnes

Inde : réfrigérateurs : 100 000 tonnes, téléviseurs : 275 000 tonnes, ordinateurs personnels : 56 000 tonnes

Colombie : réfrigérateurs : 9 000 tonnes, téléviseurs : 18 000 tonnes, ordinateurs personnels : 6 500 tonnes

Kenya : réfrigérateurs : 11 400 tonnes, téléviseurs : 2 800 tonnes, ordinateurs personnels : 2 500 tonnes

vendredi 19 février 2010

Chine : vers un grand schisme de l'Internet ?

Depuis le 1er septembre 2006, le serveur de noms de domaines [DNS, qui fait le lien entre les adresses IP numériques des ordinateurs connectés à Internet et les adresses des sites écrites en lettres] chinois ne passe plus par l’Icann, l’organisme international qui gère les noms de domaines (les adresses de sites) de l’Internet. C'est ce que rappelait récemment la société européenne de l’Internet : "Depuis le 1er mars 2006, la Chine applique une réforme de son système de gestion des DNS. L’objectif officiel déclaré est de permettre aux Chinois d’accéder à Internet en composant les adresses de sites avec des idéogrammes, une solution confortable pour les internautes de l’empire du Milieu… [Tout donne à penser] que la Chine a décidé de lancer un nouveau suffixe national pour s’affranchir définitivement de la gestion des noms de domaine Internet par l’Icann et, plus avant, de l’emprise du gouvernement américain. Ce schisme fut accompagné par un passage massif à la version IPv6 d’Internet, et ce dans un temps record de six mois."

BOUCLIER DORÉ

La Chine a donc mis en place un nouveau système de gestion de noms de domaines ou plutôt un deuxième étage, comme l’explique l’informaticien Laurent Bloch. "Un premier niveau accepte les noms de domaines en idéogrammes, mais qui sont modifiés par rapport aux noms de domaines internationaux pour ne donner accès qu’aux sites installés sur le territoire chinois. Ainsi, pour les adresses de sites se terminant en '.com.cn' ou en '.net.cn', le suffixe '.cn' n’apparaît plus à la fin dans la fenêtre du navigateur. En tapant son adresse, l’internaute chinois arrive donc en réalité sur une version chinoise du site en question, préalablement aspiré, vérifié et remis en ligne par les autorités. Le résultat est que tout internaute chinois utilisant les idéogrammes est cantonné sur ce sous-réseau, déconnecté de la Toile et directement contrôlé par Pékin.

Quant à la navigation sur les sites étrangers justiciables du DNS en caractères latins (plus précisément LDH, letters, digits, hyphen), elle est réservée aux personnels autorisés, accrédités… et surveillés. Le système de censure fonctionne aussi en sens inverse : un site chinois qui veut être atteignable de l’étranger doit en obtenir l’autorisation, afin que son nom soit publié dans le DNS (en caractères latins) visible de l’extérieur, 'chaque page marquée d’un lien menant au site du ministère de l’intérieur, où l’on peut télécharger un certificat'. L’ensemble du dispositif répond au beau nom de Bouclier doré."

Ce n’est pas seulement d’un grand pare-feu chinois permettant la censure et le contrôle de l’Internet dont l’actualité s’est souvent fait l’écho dont il est question ici, mais de la mise en place d’un nouveau système de noms de domaines. Le DNS chinois ne passe plus par les serveurs-racines ondoyés par l’Icann, et la nouvelle structure leur a permis de créer autant d’extensions qu’ils le souhaitaient. L’objectif est le même – isoler la Chine –, mais la méthode est radicalement différente et a des conséquences sur l’architecture de l’Internet.

Jusqu’à présent, il s’agissait de mettre un pare-feu entre la Chine et le reste du monde pour bloquer les sites non acceptés. Mais avec cette nouvelle architecture, il s’agit de faire en sorte que ceux qui utilisent un navigateur avec des caractères chinois ne puissent utiliser qu’une partie contrôlée des sites internationaux, et que ceux qui utilisent un navigateur classique ne puissent pas accéder à l’autre partie. On a donc l’équivalent de deux systèmes de noms de domaines dont une large partie est inaccessible à l’autre. L’Internet chinois n’est plus une espèce d’intranet protégé de l’Internet (comme on a en a pour beaucoup de sociétés), mais comporte bien deux réseaux Internet distincts, avec deux systèmes de noms de domaines pointant vers des sites différents en fonction de l'alphabet utilisé pour y accéder.

UNE POSSIBLE DISLOCATION DU RÉSEAU

Reste à savoir, comme nous l’explique Jean-Michel Cornu, directeur scientifique de la FING, si les sites chinois restent accessibles par leurs adresses IPv6 (en chiffres) plutôt que par leur DNS – pour ceux qui ne sont pas bloqués par le pare-feu chinois. Et si, en Chine, les sites internationaux non modifiés par les autorités sont accessibles par leur numéro IPv4 ou IPv6. "Ce qui semble sûr, c’est que cette création d’un serveur de noms de domaines alternatif ouvre la porte à beaucoup d’autres DNS alternatifs, qui ne seront contrôlés ni par les Américains, ni par les Chinois." Reste à savoir si on a un réel schisme de l’Internet (une complète incompatibilité, même en passant par les adresses IP en chiffres, ce qui semble probable) ou pas.

Comme le dit encore Laurent Bloch, "politiquement, la signification de cette sécession peut se comparer à celle des schismes qui ont rythmé l’histoire du christianisme. Nul doute que la technologie chinoise, qui aux parfums enivrants de l’indépendance associe les avantages pratiques de la censure et de la surveillance, aura des succès auprès de la Russie, de l’Iran et d’autres pays qui utilisent une écriture différente de l’alphabet latin.

Mais cette situation, et ses développements prévisibles, posent un problème grave : l’unité actuelle de l’Internet est l’axe autour duquel s’est réorganisée l’économie mondiale, et aussi en partie la culture mondiale ; quelles seront les conséquences de sa partition ? La décision chinoise montre que si tout le monde se félicitait de cette unité tant que l’on en restait aux aspects commerciaux, son aspect culturel n’était pas considéré comme supportable par certains acteurs.”

En tout cas, cet éclairage donne une autre tournure à l’affaire qui oppose Google et la Chine depuis quelques semaines (voir les analyses de Fabrice Epelboin pour le ReadWriteWeb, Brice Pedroletti pour Le Monde, Camille Gévaudan sur Ecrans.fr…). Contrairement à ce qu’avancent quelques commentateurs respectés comme Ethan Zuckerman ou Rebecca MacKinnon, le subit revirement de Google et du gouvernement américain en faveur de la liberté d’accès à l’Internet (qui devient brusquement une politique étrangère prioritaire : voir le compte-rendu d’Ecrans.fr) pourrait bien masquer un bras de fer plus subtil pour éviter la possible dislocation du réseau des réseaux en une multitude de réseaux incompatibles entre eux… Et cette perspective là gênerait à la fois l’offre commerciale comme les grandes oreilles de Google et des Etats-Unis.

Hubert Guillaud
InternetActu

Intel veut "être le cerveau de toutes les machines" connectées à Internet


De passage à Paris pour rencontrer de grands clients, Paul Otellini, 59 ans, PDG d'Intel depuis 2005, revient sur l'actualité du numéro un mondial de microprocesseurs, la convergence entre téléphones et ordinateurs.

Intel a annoncé, lundi 15 février, le lancement avec Nokia d'un système d'exploitation pour téléphones mobiles. Quel est le sens de cette alliance ?

Nous travaillons sur ces logiciels (faisant dialoguer les composants d'une machine avec des applications) depuis plus de vingt ans, pour qu'ils soient compatibles avec nos microprocesseurs. Nous avons une longue collaboration avec Microsoft, qui équipe la plupart des ordinateurs.

Dans le cas des téléphones, il y a beaucoup de systèmes d'exploitation, dont Android de Google... Avec Nokia, nous voulons lutter contre cette fragmentation. Un logiciel universel facilitera la vie des développeurs : ils n'écriront qu'une seule version de leur application, elle tournera sur tous les appareils.

Vous êtes leader des microprocesseurs pour ordinateurs. Ce n'est pas le cas dans les téléphones mobiles : quelle est votre stratégie pour vous imposer sur le marché ?

Notre part de marché est certes quasi nulle. Nous avions acquis des actifs de la société DEC il y a plus de dix ans, qui disposait d'une architecture de composants pour mobiles. J'ai décidé de les revendre un peu plus tard, car n'être qu'un parmi les 500 fournisseurs de composants pour téléphones n'était pas la bonne stratégie. Et à l'époque, on ne savait pas comment évoluerait le marché des "smartphones"( téléphones intelligents). Nous avons alors décidé de nous concentrer sur la conception de composants à basse consommation à un prix en adéquation avec les "smartphones" : c'est la génération Atom (dans les mini-ordinateurs).

Par ailleurs, notre vision a changé : les "smartphones" vont ressembler de plus en plus à des ordinateurs. Ils ont déjà besoin de faire tourner des applications complexes. Or la meilleure architecture de composants pour les ordinateurs, c'est la nôtre. Plus généralement, tout ce qui contient de l'électronique pourra un jour se connecter à Internet et disposera d'une capacité de calcul. Nous voulons être le cerveau de toutes ces machines.

Quelle est votre vision du marché de l'ordinateur individuel ?

Il a encore de belles années de croissance devant lui, grâce à la demande des pays émergents et au succès des ordinateurs portables.

Faites-vous toujours la course à la puissance des microprocesseurs ?

On me demande souvent : n'a-t-on pas atteint une puissance suffisante ? Mais je demande : ces films où les acteurs utilisent des ordinateurs sans interface physique, juste en glissant un doigt sur une vitre, cela ne vous fascine pas ? Si ? Eh bien, on en est encore loin et pour y parvenir, il faut des composants encore plus performants.

C'est vrai que nous travaillons un peu différemment. Pendant des années, nous avons cherché à doubler les performances d'une puce tous les dix-huit mois (c'est la fameuse loi de Moore).
Aujourd'hui, nous essayons d'introduire davantage de fonctions dans un même microprocesseur (mémoire, calcul, gestion de la consommation, cryptage des données, etc.>. Et d'abaisser la consommation d'énergie : notre nouvelle génération de microprocesseurs pour ordinateurs de bureaux aura une performance graphique doublée, et consommera 50 % d'énergie en moins.
Nous avons aussi lancé en 2009 un produit pour serveurs qui permet de remplacer neuf machines des générations précédentes par une seule.

La loi de Moore aura-t-elle une fin ?

Nous arrivons aujourd'hui à fabriquer des microprocesseurs avec des finesses de gravure de 32 nanomètres (diamètre du plus petit fil reliant deux composants du microprocesseur). Nous travaillons au 22 nanomètres, industrialisable d'ici deux ans. Puis viendra le 15 nanomètres.
La capacité à réduire la taille des transistors s'arrêtera probablement un jour, quand les éléments de base de ce dernier atteindront la taille de l'atome.

Quel est votre agenda avec la FTC (Federal Trade Commission) américaine, qui vous accuse d'abus de position dominante ?

Le procès débute en septembre 2010. Nous nous y préparons, pour une audience en décembre.

Propos recueillis par Cécile Ducourtieux


Le premier fabricant mondial de microprocesseurs

Définition. Un microprocesseur est un circuit intégré constitué de plusieurs composants (transistors) gravés sur du silicium. Il exécute les instructions d'un programme informatique. Il existe plusieurs familles de microprocesseurs, la plus connue étant l'architecture "X86", d'Intel et d'AMD (Advanced Micro Devices).

Principaux chiffres. Fondé en 1968 dans la Silicon Valley californienne par Gordon Moore, Robert Noyce et Andrew Grove, Intel a réalisé un chiffre d'affaires en 2009 de 35,127 milliards de dollars en 2009 (25,9 milliards d'euros), pour 4,369 milliards de profits. Le groupe américain, 79 800 salariés dans le monde, a investi 16 % de son chiffre d'affaires dans la recherche et développement.

Concurrence. Intel équipe environ 80 % des serveurs et ordinateurs. Son seul concurrent significatif est un autre américain, AMD. Le marché des composants pour téléphones mobiles est beaucoup plus morcelé : les acteurs qui comptent sont les américains Qualcomm et Texas Instrument, ou le franco-italien STMicroelectronics.

L'euthanasie provoque la confusion au Royaume-Uni


Photo de l'ancien présentateur de radio et de télévision britannique, Ray Gosling, qui a été arrêté mercredi 17 février.

Ray Gosling, un ancien présentateur de radio et de télévision britannique, a été arrêté mercredi 17 février. La police du Nottinghamshire le soupçonne de meurtre après qu'il a révélé, lors d'une émission de la BBC consacrée au suicide assisté diffusée lundi, avoir tué l'un de ses amants atteint du sida.

"C'était au tout début du sida", a-t-il raconté, sans doute au milieu des années 1980. Cet après-midi-là, à l'hôpital, le médecin avoue qu'il ne peut "plus rien faire" pour atténuer la douleur de son ami. "J'ai dit au médecin : laissez moi seul juste un moment. Et il est parti. J'ai pris l'oreiller et je l'ai étouffé jusqu'à ce qu'il meure", a poursuivi M. Gosling devant les téléspectateurs. "Nous avions un pacte", a-t-il précisé.

Depuis 1961, le suicide assisté est interdit en Grande-Bretagne et passible d'une peine de quatorze ans de prison. Mais, depuis le 23 septembre 2009, la justice britannique autorise, sous certaines conditions, à aider l'un de ses proches, malade, à se donner la mort. Il faut, entre autres, a décidé le responsable des poursuites judiciaires, Keir Starmer, que le défunt ait émis "un souhait clair, définitif et informé de se suicider", qu'il souffre d'une maladie "incurable" ou "en phase terminale" et qu'il ait "pris l'initiative" de demander l'aide d'un parent ou d'un ami intime. Laquelle aide se doit d'être "mineure".

M. Gosling sait que son acte est antérieur à ce nouveau code de conduite. Mais il sait aussi que tant qu'il n'aura pas révélé le nom de l'homme qu'il a aidé à mourir, il sera protégé. Et c'est sans aucun doute parce que le débat sur l'euthanasie a pris une nouvelle dimension depuis la décision de M. Starmer qu'il a décidé d'y apporter sa contribution.

Début février, l'écrivain britannique Terry Pratchett, atteint de la maladie d'Alzheimer, avait proposé la mise en place de tribunaux qui auraient le pouvoir d'autoriser les proches de malades incurables à les aider à mettre fin à leurs jours. Il était intervenu alors que la justice britannique avait rendu, à quelques jours d'intervalle, deux verdicts sur le sujet qui pouvaient sembler incohérents.

Elle venait d'innocenter Kay Gilderdale, qui avait aidé à mourir sa fille atteinte d'une myelo-encéphalite, après avoir condamné, quelques jours plus tôt, Frances Inglis à neuf ans de prison pour avoir mis fin aux jours de son fils, malade du cerveau.

Dans le premier cas, le malade avait exprimé son souhait de mourir. Dans le second, il n'avait pas été en mesure de le faire, compte tenu de son état.

Pour l'heure, le gouvernement travailliste ni aucun parti politique ne proposent de loi pour clarifier le sujet.

Virginie Malingre
LE MONDE
Londres Correspondante

Les drones ont fait leur entrée dans la police britannique

La police de Merseyside, dans le nord-ouest de l'Angleterre, pensait entrer dans l'histoire. Il y a quelques jours, elle se vantait d'avoir procédé à la première arrestation sur le territoire britannique due à l'usage d'un drone. Le robot volant télécommandé lui avait permis d'appréhender un adolescent de 16 ans, en fuite, qui avait tenté de voler une voiture, expliquait-elle alors. Mais lundi 15 février, les forces de l'ordre ont dû reconnaître qu'elles avaient outrepassé leurs pouvoirs. On ne sait pas si l'arrestation a en conséquence été annulée. Mais ce qui est certain, c'est que le drone, lui, est pour l'heure cloué à terre.

La Civil Aviation Authority (CAA), qui gère l'espace aérien du Royaume-Uni, n'avait pas donné son autorisation au vol dudit engin. Par souci de sécurité, "la CAA a introduit de nouvelles règles depuis le 1er janvier 2010, selon lesquelles tous les drones doivent être autorisés avant utilisation. Depuis que nous sommes conscients de ces nouvelles règles, nous avons suspendu tous nos vols de drones", explique aujourd'hui la police de Merseyside.

Commercialisé depuis moins d'un an par l'entreprise allemande AirRobot, le drone de la police de Merseyside, qui coûte quelque 40 000 livres (46 000 euros), présente l'avantage d'être meilleur marché qu'un hélicoptère et plus facile à utiliser. Face à l'intérêt qu'il a suscité parmi les différentes forces de police britanniques - trois d'entre elles se sont déjà équipés de ce robot de 50 centimètres de diamètre qui vole à 50 mètres du sol -, l'autorité de régulation aérienne a souhaité encadrer le mouvement.

La CAA devra par ailleurs se prononcer dans les prochains mois sur un autre projet, bien plus ambitieux que celui de la police de Merseyside : l'utilisation à des fins policières de drones militaires - autonomes et non pas télécommandés -, ceux-là mêmes que BAE Systems produit pour l'Afghanistan. L'équipementier britannique travaille effectivement depuis fin 2007 sur ce projet qui intéresse notamment les polices du Kent et de l'Essex, mais aussi la police des frontières et autres agences émanant du ministère de l'intérieur.

Invisibles du sol

Les drones de BAE peuvent décoller et atterrir tout seuls, rester en l'air pendant 15 heures et monter jusqu'à plus de 6 000 mètres de hauteur, ce qui les rend invisibles du sol. Dans ces conditions, ils ouvrent des perspectives nouvelles. A l'origine, les forces de l'ordre du Kent, qui sont motrices sur ce projet, expliquaient que de tels instruments seraient très utiles pour surveiller le trafic maritime et l'immigration entre la France et l'Angleterre. Il semble que, depuis, le spectre des possibilités se soit considérablement élargi.

Les clients potentiels de BAE parlent désormais d'utiliser les drones de guerre pour lutter contre les vols aux distributeurs de cartes bleues, surveiller la circulation routière ou encore organiser des opérations de recherche et de sauvetage. Ils pourraient également s'avérer utiles, font-ils valoir à la CAA, lors des manifestations ou des Jeux olympiques prévus à Londres en 2012. Ils pourraient bientôt faire partie de la routine du policier britannique.

Virginie Malingre
LE MONDE
Londres Correspondante

Deux universités chinoises seraient derrière les attaques contre Google

Un internaute utilisant le moteur de recherche de Google dans sa version chinoise.

La main de Pékin serait derrière la série d'attaques informatiques massives contre Google et plusieurs autres sociétés ciblant des militants des droits de l'homme, affirme le New York Times.Citant des sources anonymes "impliquées dans l'enquête", le New York Times explique que la traque est remontée jusqu'à une université chinoise réputée pour sa branche informatique, Shanghaï Jiaotong, et à l'établissement professionnel Lanxiang, qui forme certains informaticiens pour l'armée.

L'affaire, qui empoisonne les relations sino-américaines, a poussé Google à menacer de cesser ses opérations en Chine. Les attaques ont ciblé le code source du groupe américain et les comptes de messagerie Gmail de militants des droits de l'homme chinois dans le monde. Au moment où il avait rendu publique ces attaques, Google avait précisé les avoir détectées en décembre. Le New York Times indique que l'origine des attaques, "destinées à voler des secrets comerciaux et des codes informatiques ainsi qu'à récupérer les adresses Internet de militants des droits de l'homme chinois, ont peut-être commencé dès avril".Google travaille en coopération avec les agences américaines de renseignement pour retrouver l'origine des attaques, qui ont été décrites comme de l'espionnage de haut niveau. Le groupe Internet continue de filtrer les recherches selon la loi chinoise en même temps qu'il tente de négocier un compromis avec des dirigeants du pays.

LEMONDE.FR avec AFP

New Delhi veut "indianiser" la production de son matériel militaire


Le salon international des armements terrestres et navals Defexpo s'est tenu à New Delhi du 15 au 18 février 2010.

Avec une hausse, cette année, de 30 % du nombre d'exposants au salon international des armements terrestres et navals Defexpo, qui s'est tenu à New Delhi du 15 au 18 février, le marché indien de la défense suscite les convoitises.

Le ministère indien de la défense, A. K. Antony, a annoncé début 2010 que l'Inde dépenserait 50 milliards de dollars (37 milliards d'euros) d'ici à 2015 pour "moderniser et équiper" une armée qui compte près de 1,1 million de soldats. Le renouvellement de ses équipements qui, pour la plupart, ont été importés de Russie, d'Israël, d'Angleterre ou de France dans les années 1970 et 1980, a longtemps été reporté, notamment en raison des soupçons de corruption qui ont retardé des appels d'offres.

Les besoins en équipements militaires de l'Inde sont d'autant plus pressants que le pays compte à ses frontières deux rivaux, le Pakistan et la Chine. Les attaques terroristes de Bombay en novembre 2008 ont mis en lumière la vulnérabilité de sa défense maritime. Un appel d'offres portant sur l'acquisition de 126 avions de combat (environ 10 milliards de dollars), auquel Dassault a répondu, est en cours. Le fabricant d'hélicoptères Eurocopter, filiale de l'européen EADS, a indiqué mardi qu'il avait déposé plusieurs offres pour remporter des marchés estimés entre 7 milliards et 8 milliards de dollars.

L'Inde, qui importe 70 % de son matériel militaire, veut passer d'une relation de "clients à fournisseurs", à une relation de "partenariat". "Le développement d'une production nationale dans le secteur de la défense constitue maintenant la priorité du gouvernement", a déclaré Raj Kumar Singh, secrétaire d'Etat indien à l'industrie de la défense, lors de l'inauguration de Defexpo. Le pays veut "indianiser" son équipement au travers de partenariats avec des entreprises étrangères avec, à la clé, des transferts de technologie. Actuellement, la part de production locale exigée par l'Inde dans un contrat passé avec une entreprise étrangère est de 30 %. Mais elle pourrait passer à 70 % d'ici à fin 2010. Un objectif jugé "trop ambitieux" par Xavier Marchal, directeur en Inde du constructeur français de navires militaires DCNS, du fait de la "faiblesse du tissu industriel indien dans le secteur, et leur relatif manque d'expérience".

"Beaucoup de patience"

Le gouvernement indien veut aussi renforcer la part du secteur privé dans la production d'armement, qui ne représente encore que le cinquième du chiffre d'affaires du secteur. Des conglomérats du pays ont annoncé leur intention de pénétrer ce marché. Mahindra & Mahindra a signé un accord de partenariat avec le britannique BAE Systems. Il va investir 21,2 millions de dollars sur trois ans dans la construction de blindés. Larsen & Toubro va moderniser les tanks T72 de l'armée indienne en partenariat avec l'américain Raytheon. Enfin, Mata Motors a présenté au salon son premier véhicule blindé de combat d'infanterie.

Environ vingt-cinq entreprises françaises étaient présentes sur le salon. Le français DCNS, qui construit déjà six sous-marins en partenariat avec le chantier Mazag Dock Ltd, espère remporter un contrat portant sur dix-huit autres navires. Nexter, ex-GIAT Industries, devrait bientôt répondre à un appel d'offres portant sur l'achat de systèmes d'artillerie (1,5 milliard d'euros). Le groupe public d'armement terrestre, qui ne réalise qu'une dizaine de millions d'euros de chiffre d'affaires dans le pays, espère y multiplier par dix ses revenus à l'avenir. "L'Inde exige beaucoup de patience, et il faut envisager des investissements à long terme pour pénétrer ce marché faramineux", estime l'un de ses représentants.

Julien Bouissou
LE MONDE
New Delhi Correspondance

lundi 8 février 2010

"La seule façon de gagner la cyberguerre, c'est de l'éviter"

Hamadoun Touré est secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications (UIT), qui dépend des Nations unies. Lors du forum de Davos, il a proposé la création d'un traité international sur les cyberconflits.

Attaques contre Google, Twitter, ou contre des sites officiels géorgiens ou estoniens... Jusqu'à présent, entreprises et Etats ont été confrontés à des attaques informatiques ponctuelles. Ces attaques pourraient-elles évoluer en cyberguerres, beaucoup plus générales ?

Hamadoun Touré : C'est effectivement un risque majeur : le danger est là, dans le cyberespace. L'ennemi n'est pas toujours connu, il change d'identité, et il est très difficile de savoir si une attaque provient d'un pays, d'un groupe, ou d'un individu. C'est justement pour éviter une escalade que nous souhaitons attirer l'attention du monde entier sur ce risque.

La seule façon de gagner la cyberguerre, c'est de l'éviter. En cas de conflit, tous les belligérants subiraient des conséquences dramatiques. C'est pourquoi nous souhaitons établir de façon préemptive une "cyberpaix".

Quelles seraient les conditions d'une telle paix ?

L'accord auquel nous souhaitons parvenir est très simple. Chaque Etat s'engagerait à trois choses : protéger ses citoyens de ces attaques ; ne pas abriter ou protéger de cyberterroristes sur son territoire ; et ne pas lancer d'attaque sur un autre pays. Un tel accord ne pourrait pas concerner uniquement les Etats, il devrait aussi impliquer d'une manière ou d'une autre le secteur privé. Nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé. Le conflit entre Google et la Chine en est un bon exemple : il ne s'agit pas d'un conflit classique entre deux Etats.

Lors d'une cyberattaque, il est extrêmement difficile d'établir si elle est le fait d'un Etat ou d'un individu isolé. Comment faire respecter un tel accord s'il est quasiment impossible d'identifier un assaillant avec certitude ?

Ce projet d'accord ou de traité fait partie d'un projet plus vaste : nous avons mis en place un groupe de travail qui a identifié plusieurs axes prioritaires, et l'un d'entre eux est la normalisation des outils d'enquête utilisés par les Etats. Si tous les Etats se mettent d'accord sur la manière dont on doit procéder au pistage d'une adresse IP (Internet Protocol), par exemple, il devient beaucoup plus difficile de contester la paternité d'une attaque.

Par ailleurs, d'autres mesures doivent être prises pour faire du réseau un endroit sûr. La cyberguerre n'est pas forcément le plus gros problème auquel nous devions faire face.

Aujourd'hui, déjà, il existe une importante cybercriminalité en ligne contre laquelle il faut agir, notamment en ce qui concerne la pédopornographie. Cela passe par une meilleure éducation de tous, de meilleurs outils techniques, mais surtout par un cadre juridique et réglementaire commun : chaque Etat doit criminaliser le crime dans le cyberespace.

Un projet de loi est discuté ce mercredi au Parlement américain pour renforcer les capacités de défense des Etats-Unis contre les cyberattaques. Mais d'après un rapport de l'entreprise McAfee, plusieurs pays, dont la France, Israël, les Etats-Unis, la Russie ou la Chine ont également mis au point des armes cybernétiques offensives. Partagez-vous ce diagnostic ?

Malheureusement oui : d'après nos informations, il existe des réseaux de botnets [des machines infectées par un virus et qui peuvent être contrôlées à distance pour mener une attaque, le plus souvent à l'insu du propriétaire, NDLR] militaires. Mais ces armes n'ont pas été testées à grande échelle : les utiliser, c'est s'exposer au risque d'une riposte qui détruirait aussi les infrastructures informatiques de l'assaillant.

On serait donc confrontés à un "équilibre de la terreur", semblable à celui qui a existé durant la guerre froide ?

Pas tout à fait. Pendant la guerre froide, il y avait deux superpuissances. Aujourd'hui, il y a six milliards d'habitants sur la planète, et chacun d'entre eux est une cyberpuissance potentielle. Souvenez-vous des dégâts provoqués par le virus ILoveYou : il a été créé par une seule personne, avec un ordinateur à moins de 1 000 dollars.

John Negroponte, ancien directeur des renseignements américain sous George Bush, a exprimé des réserves sur la manière dont un tel traité pourrait être appliqué. Vous semble-t-il possible de parvenir à un accord global, et comment le faire appliquer ?

Je l'ai constaté à Davos : ce sont ceux qui pensent être le mieux protégés qui sont les plus réticents à laisser d'autres institutions se pencher sur ce problème. Pour l'instant, nous travaillons de concert avec les autres agences des Nations unies, notamment l'Office contre la drogue et le crime et Bureau des affaires du désarmement. Nous en parlons également avec Interpol. Il existe déjà des accords appliqués au niveau régional, il est possible de les généraliser au niveau mondial.

Pour y parvenir, il est crucial de dépolitiser cette question et de trouver les dénominateurs communs. Tout le monde est concerné par la protection de sa vie privée, par le maintien de la confidentialité des données, les citoyens comme les entreprises ou les Etats qui craignent l'espionnage économique ou militaire. La définition même de ce qui constitue un crime peut varier d'un pays à l'autre, par exemple en ce qui concerne la pornographie : c'est pourquoi il est vital "d'avancer en parlant", et de proposer des choses concrètes dès cette année.


Propos recueillis par Le Monde.fr

dimanche 7 février 2010

Un patient dans un état végétatif “communique” par la pensée

Un patient qui survivait depuis cinq ans dans un état végétatif a pu “communiquer” avec ses médecins par le biais de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, l’IRMf. En fait de communication, ce patient a pu indirectement répondre, par oui ou par non, à des questions simples posées par les chercheurs.

Pour la suite : http://sciences.blog.lemonde.fr/2010/02/05/un-patient-dans-un-etat-vegetatif-communique-par-la-pensee/#xtor=RSS-32280322

samedi 6 février 2010

Haïti: Comment estime-t-on le nombre de victimes?

Le décompte macabre derrière les catastrophes naturelles.

Quatre jours après le séisme qui a ravagé une grande partie d'Haïti, de nombreux chiffres sur le nombre de victimes circulent. Le président de la République haïtien René Préval a estimé [4] au lendemain de la catastrophe le nombre de victimes à entre 30.000 et 50.000, son Premier ministre a déclaré qu'il pourrait y avoir «des centaines de milliers de morts» et Hillary Clinton parlait quant à elle de «dizaines de milliers de morts». [5] Le ministre haïtien de l’Intérieur Paul-Antoine Bien-Aimé a estimé que le bilan pourrait atteindre jusqu’à 200 000 tués. Comment estime-t-on le nombre de victimes après une catastrophe naturelle?

Dans les jours qui suivent un tel désastre, les estimations sont forcément très approximatives. La possibilité de dresser un constat exact dépend à la fois de la force du séisme, de la densité de population de la zone touchée et de son niveau de développement. Ainsi, après le séisme de l'Aquila, des estimations précises du nombre de victimes ont été très rapidement dressées, et le bilan final officiel est de 308 morts.

Juste après la catastrophe, un très grand nombre de personnes arrivent sur place au titre de l'aide humanitaire: agents des Nations Unies et d'autres institutions internationales, ONG, aides d'autres pays... Si la coordination est donc un enjeu primordial pour l'efficacité de l'aide, l'estimation du nombre de victimes l'est aussi mais n'est pas chose aisée.

Premier moyen: les précédents. Les humanitaires et les agents gouvernementaux connaissent la mortalité de précédentes catastrophes similaires. Par exemple, pour les tremblements de terre, celui du Pakistan en 2005, considéré comme plus destructeur mais dans une zone moins peuplée que celui d'Haiti, avait fait près de 80.000 morts. Plus ancien, celui de Mexico en 1985 avait fait 10.000 morts.

Deuxième moyen: les constatations sur le terrain. Sur place, le nombre de personnes vivant dans un immeuble par exemple, est à peu près connu. Dans des séismes comme celui d'Haiti, le nombre de survivants se trouvant à la rue l'est aussi. Le personnel d'aide peut ainsi en déduire le nombre de disparus ensevelis sous les décombres... Parmi eux, on sait que seul un petit nombre pourra être extrait vivant. Si 20 personnes sont portées disparues et qu'elles travaillaient toutes dans un même bâtiment qui s'est écroulé, les secours peuvent les compter comme mortes. Les bénévoles et autres secouristes reportent ensuite une agence gouvernementale ou au bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Un chiffre global est ensuite transmis aux médias.

Dans les premières heures après les catastrophes, les estimations des autorités locales ont tendance à être beaucoup plus basses que la réalité. Quelques heures après celle d'Haïti, des «centaines» [6] de morts étaient craints, puis on parlait de «morts par milliers» [7]. Aujourd'hui, la croix rouge estime le nombre de victimes à «entre 40.000 et 50.000». [8]

Les estimations des Nations Unies sont souvent plus hautes que celles des gouvernements locaux [9]. Cela s'explique par le fait que l'ONU essaie de prendre en compte des zones qui n'ont pas encore été évaluées au sol, en utilisant des images satellite des décombres et des informations démographiques. Ainsi, si les experts onusiens savent que 15% de la population a péri dans un village, ils supposent que le même pourcentage a trouvé la mort dans les villages avoisinants. Et même sans ces projections, les chiffres sont souvent volontairement surestimés pour s'assurer que l'aide sera suffisante. Les gouvernements locaux peuvent au contraire sous-estimer les chiffres pour ne pas perdre la face.

Français de l'étranger

L'outil de base pour connaître la situation des Français après une catastrophe naturelle est le registre des Français établis à l'étranger, mais l'inscription au consulat n'étant pas obligatoire, elle n'est de fait pas exhaustive. Après une catastrophe naturelle, toutes les ressources consulaires sont mises en œuvre pour joindre les Français habitant dans la zone sinistrée et s'assurer de leur situation. Ce recensement n'est souvent pas facile du fait des dégâts subis par les infrastructures locales: télécommunications coupées, les routes en mauvais état ou bloquées.

L'autre outil à disposition est le plan de sécurité de la communauté française, qui existe dans tous les pays. Il comporte notamment un plan de regroupement en cas de crise. Là encore, il ne s'agit que d'un moyen imparfait de connaître le sort de la communauté française, car il ne permet que de savoir l'Etat de santé de ceux qui se rendent au point de regroupement.

Marion Solletty et Grégoire Fleurot

L'explication remercie Christophe Le Rigoleur du ministère des Affaires étrangères, Yvon Edoumou du bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Frédéric Joly de la Croix Rouge, Pierangelo Sapegno du journal italien La Stampa. [10]

Où frappera le prochain séisme de grande ampleur?

Les cinq sites les plus exposés de la planète.
L'Aube en Haiti

Le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, laissant dans son sillage un terrible bilan humain, a surpris beaucoup de monde. Il existe pourtant d'autres endroits qui présentent une activité sismique non négligeable et dont on parle peu. Voici cinq sites que les géologues classent parmi les régions qui pourraient être le théâtre d'un séisme de forte intensité.


ÉTATS-UNIS, DELTA DU MISSISSIPPI INFÉRIEUR [2] [2]

Ligne de faille [3]: Nouvelle Madrid
Dernier séisme de grande ampleur: 1812
Raisons d'être vigilant



Une série de tremblements de terre survenus au début du 19ème siècle le long de la faille de la Nouvelle Madrid - qui s'étend sur certaines parties de l'Illinois, du Missouri, de l'Arkansas, du Kentucky, du Tennessee et du Mississippi - a inversé le sens du débit du Mississippi. Les secousses ont aussi fait teinter des cloches d'église à Boston et touché une zone trois fois plus grande que celle affectée par le séisme de San Francisco de 1906 [4].


Il y a deux cents ans, le nombre de personnes en danger était négligeable. Aujourd'hui, les principales villes de Saint Louis et de Memphis se situent dans la zone à risque, sans doute la ligne de faille la plus menaçante des Etats-Unis. L'agence américaine des situations d'urgence, la FEMA [5], a lancé une mise en garde en 2008: un tremblement de terre majeur au niveau de la faille de la nouvelle Madrid pourrait provoquer les «plus graves dégâts économiques dus à une catastrophe naturelle qui frapperait les Etats-Unis», dans une large mesure à cause d'un manque relatif de préparation aux séismes, comparé à la Californie et au Nord-Ouest Pacifique [6].



TURQUIE


Ligne de faille: Anatolie du Nord
Dernier séisme de grande ampleur:
Duzce [7], 1999
Raisons d'être vigilant



Le séisme d'Izmit [8] (1999), ville située non loin de la côte de la Mer Noire, au sud-est d'Istanbul, a tué près de 18.000 personnes. Les secousses d'Izmit étaient les dernières d'une série de tremblements survenus ces 70 dernières années en direction de l'ouest dans toute la Turquie. A peine trois mois plus tard, une réplique a fait presque 900 morts. Ces quarante dernières années, la Turquie a connu plus de six séismes faisant plus 1.000 victimes mortelles.
Plus inquiétant, les scientifiques pensent que le prochain séisme pourrait se produire légèrement à l'ouest d'Izmit et directement au sud d'Istanbul, qui ne compte pas moins de 12 millions d'habitants! Le cumul de l'activité sismique pourrait en fait engendrer quelques événements de moindre importance plutôt qu'un unique méga-séisme. Ce qui n'est tout de même pas pour rassurer la population de cette ville au patrimoine historique d'une richesse unique.



AUSTRALIE

Ligne de faille: entre les plaques pacifique, philippine et eurasienne [9]
Dernier séisme de grande ampleur:
Newcastle [10], 1989
Raisons d'être vigilant



Contrairement aux autres pays de cette liste, l'Australie ne se trouve pas sur une ligne de faille comprise entre deux plaques tectoniques. En fait, le pays occupe une zone intraplaque, ce qui constitue un motif de vigilance. L'activité sismique de l'Australie est le résultat de mouvements tectoniques qui s'opèrent loin du continent. Cela revient à dire qu'aucune région d'Australie n'est à l'abri de secousses telluriques et que celles-ci sont extrêmement difficile à anticiper.

Heureusement, la plupart des séismes australiens, y compris dix d'une magnitude supérieure à 4 qui se sont produits en 2008, ont touché le centre du pays, une région aride. Les dégâts ont donc été très limités. Mais le caractère imprévisible des secousses a engendré un sentiment de sécurité qui ne correspond pas à la réalité des menaces. Les matériaux de construction utilisés dans des grandes villes comme Sydney sont vieux et usés à cause de la corrosion et, d'une manière générale, fragiles, comme l'a montré un séisme relativement mineur (de magnitude de 5,5) qui a eu lieu en 1989 à Newcastle et a provoqué des dégâts d'un montant dépassant le milliard d'euros. Un tremblement de terre à Sydney - dont la population est quinze fois supérieure à celle de Newcastle - serait beaucoup plus meurtrier.



NÉPAL


Ligne de faille: chevauchement frontal (HFT), chevauchement principal bordier (MBT), chevauchement principal central (MCT) himalayens http://www.alpesgeo2003.fr/cr%20formation%20himalaya/FORMATION%20HIMALAYA.htm [11]
Dernier séisme de grande ampleur: région frontalière entre le Népal et l'Inde, 1988
Raisons d'être vigilant


Tout à fait au sud de la chaîne himalayenne, à seulement 240 km au sud-ouest du Mont Everest, la capitale du Népal, Katmandou, se situe à la jonction entre les plaques indienne et eurasienne. Bien qu'on n'ait enregistré aucun séisme majeur dans cette région ces dernières années, les géologues avertissent que la présence de nombreuses failles le long des montagnes himalayennes comporte le risque d'un événement sismique de très grande ampleur dans la capitale népalaise.

Le plus grave, c'est que le pays est très mal préparé contre les tremblements de terre: les techniques de construction népalaises sont inadaptées et la population urbaine ce cesse de croître. L'absence d'activité sismique récente est d'autant plus inquiétante que, généralement, plus l'intervalle entre les séismes est long, plus le prochain tremblement risque d'être particulièrement puissant. Comme Haïti, le Népal a été bouleversé par des troubles politiques récents. La guerre civile qui a duré 10 ans a pris fin en 2006; depuis, on ne peut pas dire que le Népal ait vraiment connu de stabilité politique ou de développement économique. Aussi, les pouvoirs publics n'ont-ils pas pu se prémunir contre les catastrophes naturelles.



JAPON

Ligne de faille: ligne tectonique médiane, ligne tectonique d'Itoigawa-Shizuoka, ligne tectonique de Tanakura [12]
Dernier séisme de grande ampleur: Grand séisme de Hanshin-Awaji, 1995
Raisons d'être vigilant



Le Japon, c'est connu, est un pays à risque sismique. On se rappelle par exemple les secousses qui ont fait trembler Kobé en 1995 [13], tuant 6.400 personnes. Grâce à leur expérience des tremblements de terre, les Japonais ont investi de façon considérable dans la préparation aux séismes et dans des infrastructures sismo-résistantes. Pour autant, ils ne doivent pas sous-estimer les menaces.

Le danger est d'autant plus important que la densité démographique des villes japonaises est énorme. Si un puissant séisme frappe des mégapoles comme Tokyo ou Kyoto, le nombre de tués pourrait atteindre 60.000, voire plus. Le bilan du grand séisme de Kanto [14] (1923) dépasse largement les 100.000 morts. En outre, l'activité sismique au large des côtes japonaises rend le pays vulnérable aux tsunamis. Autre risque à ne pas négliger: le Japon repose dans une large mesure sur l'énergie nucléaire, or un tremblement de terre survenu en 2007 avait provoqué une dangereuse fuite dans la centrale nucléaire de Kashiwazaki [15].


Andrew Swift
Traduit par Micha Cziffra

eBook: Amazon malmené par l'iPad

L'iPad, la nouvelle tablette d'Apple, est-elle déjà en train de gagner la partie face à Amazon? Aux Etats-Unis, la bataille autour de l'ebook, le livre électronique, fait rage.

Trois des cinq plus grandes maisons d'édition américaines (Macmillan, HarperCollins et Hachette) contestent le modèle du site de vente de livres en ligne et disent préférer celui proposé par l'entreprise de Steve Jobs.

En cause, le prix des livres. Deux modèles s'opposent. Amazon achète le livre aux alentours de 15$ à l'éditeur qu'elle «subventionne» pour revendre l'oeuvre 9,99$ sur son site. Ce prix unique a été notamment dénoncé par Ruppert Murdoch, le propriétaire de HarperCollins. «Nous n'aimons pas le modèle d'Amazon à 9,99 $. . . Nous pensons qu'il dévalorise vraiment les livres et nuit à tous les détaillants de livres.»

A l'inverse, lors de la présentation de l'iPad, le 27 janvier, Apple a déclaré qu'elle avait décidé de laisser les prix libres, la firme à la pomme ayant prévu de prélever 30% sur les ventes, comme elle le fait déjà pour l'App Store. Un modèle qui a séduit les maisons d'édition. Dans un mémo à ces agents, Hachette explique que le but n'est pas de gagner davantage d'argent sur les livres - en réalité, «nous en gagnerons moins», assure l'éditeur. Pour Hachette, «le modèle d'agence présente de nombreux avantages, pour nos auteurs, les détaillants, les consommateurs et les éditeurs. Il permet à Hachette de prendre des décisions de tarification qui sont rationnelles et reflètent la valeur des œuvres de nos auteurs. Dans le long terme, cela permettra à Hachette de continuer à investir et à favoriser les carrières des auteurs - des blockbusters majeurs aux nouvelles voix. Sans cet investissement dans nos auteurs, la diversité des livres à disposition des consommateurs se contractera, de même que la diversité des détaillants, et notre culture littéraire en souffrira».

Dès le 27 janvier, Apple annonçait des accords avec les cinq «majors» du livre pour son iBookstore: Penguin, HarperCollins, Simon & Schuster, Macmillan et Hachette. Une semaine après, trois d'entre elles mettaient en cause le modèle d'Amazon. Le conflit le plus flagrant oppose Amazon à Macmillan, qui n'est d'ors et déjà plus distribué sur le site de vente en ligne. L'éditeur prévient ses clients: «Disponible chez tous les revendeurs, à l'exception d'Amazon.»
Est-ce à dire que les éditeurs veulent faire monter les prix des ebooks? C'est ce que craint PCworld, qui souligne que la bataille est perdue d'avance pour Amazon.

A qui profite l'e-book?


Ni au libraire, ni au lecteur, ni à la planète

Le livre électronique pose des questions fondamentales sur le devenir du livre et des acteurs des métiers du livre (auteur, éditeur et libraire). Les éditeurs prennent le livre électronique très au sérieux, peut-être suite à l'expérience des majors du disque. Tous se préparent, avec enthousiasme ou avec crainte, avec scepticisme ou avec une foi 2.0, à ce bouleversement annoncé. Bien malin qui peut prévoir ce que sera le marché du livre électronique dans quelques années. Il y a 10 ans déjà on en annonçait l'avènement... Aujourd'hui toutefois, la réalité du livre électronique ne suscite plus guère de doute.

Un livre électronique, est-ce un livre ?

La question est moins simple qu'elle n'y paraît. Le livre se définit comme un ensemble de feuilles, rassemblées en cahiers, portant des signes, et destiné à être lu. C'est sur cette base qu'est rédigée la loi de 1981 sur le prix unique du livre [2](dite Loi Lang), qui interdit aux revendeurs de faire plus de 5 % de réduction sur le prix public défini par l'éditeur [3]. Cette loi, qui a permis à un réseau de librairies indépendantes de résister face aux grandes surfaces du livre (Fnac, Virgin, Leclerc) est la garante d'une diversité de l'offre culturelle.

Une autre question se pose, du point de vue de l'éditeur: pense-t-on un livre «classique» comme un livre au format électronique? Un nouveau format implique de nouveaux modes d'usage, de nouveaux modes de navigation à l'intérieur du texte qu'il convient de penser en amont; c'est le cas pour les livres pratiques, pour les BD où des tentatives vraiment innovantes sont proposées et, dans une moindre mesure, pour la littérature.

Un livre électronique ne doit pas reprendre à l'identique le PDF que l'éditeur envoie à l'imprimeur. Il faut inventer de nouveaux modes de consommation du texte propres au livre électronique. Un exemple évident: celui des encyclopédies.... Cela prend du temps, nécessite des investissements et aussi de former les acteurs du livre.

On peut raisonnablement penser que la mort du livre papier n'est pas pour demain, que son homologue électronique pourra de façon intéressante compléter une offre. Toutefois il est important de se poser une autre question: à qui profite le livre électronique? Au lecteur?

Le lecteur pourra dans un avenir proche, après s'être acquitté de l'achat d'un «liseur» pour quelques centaines d'euros (tout de même), télécharger les textes des derniers romans parus. Ce n'est qu'une question de temps. Bien entendu, ces textes lui seront proposés à des prix qui dépendront non des éditeurs, mais des revendeurs! Adieu le prix unique! À l'heure actuelle, le ebook n'étant pas considéré comme un livre, la loi Lang ne s'applique pas. On pourra donc trouver un même texte bradé à quelques euros sur Amazon, et bien plus cher ailleurs... Par ailleurs, comme le livre électronique n'est pas (encore) un livre, la TVA appliquée est à 19,6 % et non 5,5 %... Il serait donc urgent que la loi sur le prix unique du livre et sur la TVA des produits culturels s'applique non plus à l'objet, mais au contenu.

Bien sûr (et il n'est pas question ici de l'odeur du papier, du plaisir de toucher, des passages surlignés, des livres offerts avec dédicace sur la première page), la lecture est moins agréable sur ebook. Bien sûr, les auteurs toucheront des droits très inférieurs sur ces ouvrages. Bien sûr jamais le ebook n'amènera quiconque à la lecture. (Argument étrange qui nous avait déjà été servi pour les journaux gratuits: les gens consommeraient-ils plus de littérature parce qu'elle leur est proposée sous un format différent, et à un prix légèrement moindre?) Admettons... L'éditeur s'adaptera. L'auteur ne gagnera pas de nouveaux lecteurs et verra ses droits diminuer sur les ventes de ebooks. Alors, à qui profite le livre électronique ?

Au libraire? Malheureusement cet acteur majeur et indispensable du livre s'apparente au futur dindon de la farce. Peut-être les libraires vendront-ils du livre électronique sur leurs sites... Peut-être, mais il est fort à parier que ceux qui se partageront ce gâteau de la vente de livre sur Internet sont ceux-là mêmes (comme c'est étrange) qui tentent en ce moment d'imposer leurs «bouquineurs»... Google numérise à tout-va avec un mépris ahurissant du droit d'auteurs; Amazon, plus gros vendeur de livres sur Internet, tente d'imposer son Kindle. Le libraire classique, celui qui conseille, écoute et dirige les lecteurs vers le livre qu'ils cherchent ou pourraient aimer n'a là pas droit de cité. Jamais Amazon ne pourra être considéré comme un libraire.

Et la planète ?

Le livre électronique est-il moins néfaste pour la planète que le livre papier? Concernant l'impact écologique, je cite un article paru sur le site du SNE (Syndicat National de l'Édition): un «bilan écologique comparé du livre numérique et du livre papier est nettement en faveur du second. En effet, selon une étude commandée par Hachette Livre à la société Carbone 4, une tablette de lecture numérique («liseuse») dégage 250 fois plus de CO2 par an qu'un livre papier et il faut lire au moins 80 livres numériques par an pendant trois ans avec la même liseuse (à supposer qu'on la conserve trois ans) pour l'amortir écologiquement...»

Les futurs grands gagnants de cette bataille sans combattants semblent désignés. Les éditeurs réagissent et pensent le ebook. Avec précaution, ils essaient de ne pas louper le coche. Le livre au format électronique aura quelques avantages. On pourra, la belle affaire, avoir avec soi une bibliothèque entière et piocher dans n'importe quel ouvrage, zapper si l'on n'accroche pas dès les premières pages. On pourra, c'est vrai aussi, accéder à des livres moins cher. Pour la littérature en tout cas. (Pour rappel le prix moyen d'un livre est à peu près de 10 euros). On pourra également, et il faut s'en réjouir, retrouver des ouvrages épuisés que l'éditeur ne veut pas réimprimer (trop cher) mais qu'il pourra proposer toutefois en version électronique. De cela il faut se réjouir... Du reste, il convient d'être extrêmement prudent.

Ylan de Raspide
Image de une: Reuters, Kindle d'Amazon
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