Mardi, un Boeing 737-700
de la compagnie low cost américaine a frôlé le pire. Une pale de turbine a
rompu et a percuté son fuselage. La
fiabilité du réacteur français en cause après un accident mortel
Modifié le 18/04/2018 à 11:35 - Publié le 18/04/2018 à 11:05
| Le Point.fr
Transporté
à l'hôpital après l'atterrissage en urgence mardi à Philadelphie du vol New
York-Dallas de SouthWest Airlines, un passager n'a pas survécu à ses
blessures. Sept autres sont légèrement blessés et ont reçu des soins sur place.
Le drame résulte d'un enchaînement de circonstances qui se sont produites à
bord de ce Boeing 737-700 du vol WN1380, immatriculé N772SW et mis en
service en 2000.
Complet,
il transportait 143 passagers et 5 membres de l'équipage.
En montée après le décollage de New York, l'avion franchissait le
niveau 320 (environ 10 000 mètres d'altitude) quand le moteur gauche
a explosé. L'examen ultérieur du réacteur au sol à Philadelphie par le NTSB,
l'équivalent américain du BEA, montre que la pale n° 13, sur un total
de 24, s'est rompue au niveau du moyeu. Éjectée à l'extérieur à grande vitesse,
elle a heurté le fuselage du B737 au niveau d'un hublot, qui a été détruit.
À
cette altitude, cela a provoqué une dépressurisation brutale de la cabine. La
pression à l'intérieur de celle-ci étant beaucoup plus importante que celle à
l'extérieur, l'air s'échappe violemment, entraînant tout ce qui n'est pas
solidement fixé à l'avion. Les autres passagers du vol WN1380 ont indiqué
qu'une femme assise près de ce hublot avait été aspirée vers l'extérieur et retenue
par ses voisins de siège. Avec la dépressurisation, les masques à oxygène sont
tombés du plafond au-dessus de chaque passager, ce qui leur a permis de
respirer le temps que l'avion arrive à basse altitude.
L'équipage
a en effet immédiatement entamé une descente d'urgence (ce qui fait mal aux
oreilles quelques instants) et a prévenu le contrôle aérien de sa situation de
détresse. Proche de la trajectoire, l'aéroport de Philadelphie a été choisi et
un atterrissage prioritaire y a été autorisé. La commandante de bord avait
signalé un incendie du moteur gauche, mais il semble qu'elle ait reçu une
fausse alerte dans le cockpit. L'atterrissage, réalisé à une vitesse un peu
supérieure pour contrer la dissymétrie aérodynamique d'un moteur défaillant, a
été parfaitement conduit. Le 737 a dégagé la piste, puis s'est
immobilisé sur la voie de circulation parallèle, où les passagers ont pu
débarquer du côté droit de l'avion. Les pompiers avaient néanmoins noyé de
mousse le moteur gauche, au cas où.
32 000 moteurs
concernés ?
L'enjeu
du travail des enquêteurs est immense. Le moteur impliqué est un CFM56-7B24,
fruit de la coentreprise CFM International associant l'américain General
Electric et le français Safran Aircraft Engines (ex-Snecma).
Aussi des ingénieurs de Safran et des enquêteurs du BEA du Bourget sont-ils
partis aux États-Unis rejoindre l'équipe du NTSB et les
experts de l'avionneur Boeing et du motoriste General Electric.
C'est
le réacteur le plus produit dans le monde, avec plus de 32 000 moteurs
toutes versions confondues, dont celles de l'Airbus A320 ou de l'avion
chinois Comac C919. La compagnie américaine low cost SouthWest, plus gros
exploitant d'avions Boeing dans le monde avec 721 appareils,
possède 512 avions de la version B737-700 semblable au N772SW
accidenté.
La résistance de la
nacelle du réacteur en question
Le
premier souci des enquêteurs est d'identifier si une défaillance comparable est
susceptible de se reproduire. Dans l'affirmative, cela pourrait entraîner une
révision immédiate des moteurs, voire une immobilisation des avions. Les processus
de maintenance de SouthWest peuvent être concernés. Les experts vont aussi
essayer de comprendre pourquoi cette rupture de pale n'a pas été contenue,
comme le prévoit la certification. En effet, les tests d'homologation vérifient
qu'une pièce cassée n'est pas projetée vers le fuselage. La résistance de la
nacelle qui englobe le réacteur doit être calculée pour cela. Or les enquêteurs
ont indiqué qu'un morceau de carénage du moteur du Boeing de SouthWest a été
retrouvé à une centaine de kilomètres de Philadelphie.
La
chaîne de fabrication des moteurs va être analysée. Deux lignes d'assemblage
existent. L'une, plus dédiée aux marchés américains, relève de General Electric
à Lafayette (Indiana), tandis que les autres clients comme Airbus sont servis
par l'usine Snecma de Melun, dans la région parisienne. Mais le sous-ensemble
basse pression à l'avant du CFM56, impliqué dans l'accident, est du ressort
français.
Une
défaillance comparable a déjà été notée récemment chez SouthWest.
Le 27 août 2016, le vol La Nouvelle-Orléans-Orlando a subi une panne
moteur non contenue alors qu'il était en altitude de croisière : le capot
du moteur a subi des dommages importants, l'entrée étant complètement arrachée.
Les fragments du moteur ont également provoqué une entaille dans le fuselage.
Le Boeing 737-700, âgé de 16 ans, s'est dérouté et a atterri
sans incident à l'aéroport international de Pensacola. Le NTSB enquête
actuellement sur ce qui a été défini comme un « incident de moteur non
confiné ».